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du crime qui se prépare et va se consommer. Le reste, et en particulier le premier acte : la rencontre, dans un cabaret, du duc de Guise et de ses partisans, donne l’impression du mouvement et de la vie.

Il faut avouer que cette impression est légère, et peu profonde cette vie. La musique de M. Hue, qui ne traîne pas, ne creuse guère. Elle convient au drame sans y presque rien ajouter. Elle accompagne l’action et marque peu les caractères. L’unique personnage féminin : Jeanne, la maîtresse de Guise, est à peine indiqué. Nous n’avons trouvé que dans un monologue du roi Henri III quelques traits assez justes, une teinte générale de lassitude et de mélancolie. Mais de vagues rumeurs, des bruits de coulisses ne suffisent pas à nous rendre sensible la popularité, la royauté parisienne du héros. Sans abuser du leitmotiv (car cette œuvre est de bonne foi plutôt que de parti pris), l’auteur en a cependant usé. Les gazettes nous avertirent même qu’il y a dans le Roi de Paris exactement dix thèmes conducteurs, qui représentent les idées, abstraites ou concrètes, ainsi que les personnages, individuels ou collectifs, du drame. De ces dix idées musicales, le motif affecté au héros nous a paru le plus intéressant, non seulement en soi, mais en ses développemens et ses transformations.

L’œuvre de M. Hue, secondaire elle-même, a le mérite indirect et comme la vertu désintéressée de profiter à d’autres œuvres, primordiales celles-là, et de les rétablir en un rang d’où nous sommes aujourd’hui trop disposés à les croire déchues. En rappelant les Huguenots et le Pré aux Clercs, un Roi de Paris les relève, et, dans l’admiration ou seulement dans l’estime des contemporains, l’un et l’autre chef-d’œuvre ont besoin de remonter. D’aucuns reprochèrent surtout à l’opéra de M. Hüe d’appartenir au même genre, — ils auraient presque dit : au même style, — que l’opéra de Meyerbeer et l’opéra-comique d’Hérold. « On ne fait pas de musique, — c’est ainsi qu’ils s’expriment d’ordinaire, — sur de pareils sujets ! » Peut-être en effet n’en devrait-on plus faire ; mais c’est seulement parce qu’on en fît d’admirable jadis. « Les projets et les menées politiques ; les ligues, les complots, la cour des Valois et la civilisation de la Renaissance, rien de tout cela n’est musical. » — Tout cela pourtant l’a été ; que dis-je ? le demeure encore. Il n’est, pour s’en convaincre, que de relire deux œuvres qu’on n’entend plus guère aujourd’hui. La dignité, la gravité de l’histoire est constamment égalée par la musique des Huguenots. Sans parler des scènes fameuses, rappelez-vous certains récits du second acte : de quel ton, en quel langage, avec quelle grâce féminine et princiers une reine défère le serment de réconciliation à