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élevées de l’atmosphère et se répercutait encore à 2 500 mètres au-dessus du niveau du sol.

M. Albert Stiger présidait à cette lutte contre les élémens ; elle fit tant de bruit, — à tous les points de vue, — qu’un professeur de Gratz, M. Karl Prohaska, lut chargé officiellement de rédiger un rapport sur les expériences de l’année 1898, et, sans partager l’enthousiasme de M. Stiger, il dut proclamer les premiers résultats assez encourageans pour décider les agriculteurs à continuer, généraliser, perfectionner leurs essais. Il ressort déjà de son rapport un point essentiel qu’il ne faut pas perdre de vue désormais : l’efficacité de la défense n’a rien d’absolu ; la lutte doit se proportionner à la violence de l’orage. Cette règle est du ressort du simple bon sens : de ce qu’une faible digue arrête une inondation moyenne, il n’en résulte pas moins que, pour maîtriser une crue extraordinaire, il suffit à peine d’une digue plus puissante. Or, en fait d’orage, tout caprice est possible.

De la Styrie à la Haute-Italie, il n’y a pas loin. Aussi, dès 1898, en Lombardie, en Piémont, en Vénétie, l’enthousiasme « grandinifuge, » — il a bien fallu créer ce mot, — prit de vastes proportions. Agriculteurs, propriétaires, professeurs, députés, tout le monde s’en mêle. Le haut clergé prend la tête du mouvement. Les ingénieurs italiens, comme jaloux des lauriers fictifs des membres de ce Gun-Club que l’imagination de Jules Verne a créé à Baltimore, inventent canons sur canons. De pacifiques batteries menacent les nuées de leurs gueules sonores braquées vers le ciel, dans une foule de villages des provinces de Brescia, Bergame, Vérone, Vicence, Trévise, et le nombre des pièces se chiffre par milliers dans chaque circonscription. Procédés, résultats, dépenses sont exposés, discutés tour à tour au Congrès international de Lausanne en 1898, au Congrès de viticulture de 1900 à Paris, aux congrès enfin plus spécialement « grandinifuges » qu’on a tenus en 1899 à Casal, Montferrat, en 1900 à Padoue[1].

Cette dernière année, l’artillerie agricole, progressant toujours vers l’Ouest, et poursuivant ses conquêtes, franchit les Alpes. Les premiers canons de défense se disposent à Denicé, petit village du Beaujolais, campé aux environs de Villefranche-sur-Saône, peu illustre jusqu’à la fin du siècle, mais que son syndicat

  1. La prochaine assemblée de ce genre se réunira à Lyon dans l’automne de 1901.