Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et d’abord, la grêle elle-même n’est-elle pas un paradoxe matérialisé ? Des fragmens solides se précipitent des hautes régions de l’atmosphère sur le sol ; mais quelle force mystérieuse les maintenait passagèrement suspendus ? Pendant les plus lourdes chaleurs de l’été, nos champs sont bombardés par des projectiles de glace dont la température est même bien inférieure au point de congélation.

Quant aux signes avant-coureurs du phénomène, ils ne sont pas de nature à forcer l’attention, ni à trahir immédiatement les causes de la grêle. Il est vrai que le baromètre baisse lentement, que le ciel se trouble, que parfois couronnes et parhélies se manifestent, que la chaleur devient étouffante au point de troubler la marche quotidienne du thermomètre, mais enfin, toutes les fois que surviennent ces circonstances, la grêle ne tombe pas pour cela. Quant à l’aspect des nuages grandinifères, quant au bruit caractéristique qui précède immédiatement la chute, les agriculteurs ne le connaissent que trop. L’abaissement brusque de température qui accompagne ou suit la précipitation des grêlons s’explique de lui-même, d’autant que les blocs de glace, dans leur descente, entraînent avec eux par adhésion une masse d’air froid non négligeable.

Suivant tous les auteurs anciens ou modernes, la grêle constitue un phénomène physique, favorisé ou modifié : 1° par des affinités chimiques, d’après les uns ; 2° par des influences électriques, selon les autres. D’autres savans, se ralliant à une troisième opinion, ne voient dans la grêle qu’un accident de congélation dans lequel chimie et électricité n’ont rien à voir.

Nous ne mentionnerions pas la première hypothèse, complètement abandonnée aujourd’hui, si elle n’avait joui d’un certain crédit au XVIIIe siècle. On la trouve soutenue dans un mémoire couronné en 1752 par l’Académie de Bordeaux, et De Ratte ne semble pas éloigné de l’adopter dans son travail de l’Encyclopédie. Pour expliquer un phénomène mystérieux, on trouvait commode de recourir à des affinités hypothétiques entre substances de nature mal connue, parce que substances et affinités se pliaient avec une parfaite bonne grâce aux rêveries des savans de l’époque.

Passons à la seconde théorie, dite électrique, conçue par un génie de premier ordre, Volta ; certains météorologistes contemporains