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d’eux (c’est-à-dire le roi dans une monarchie, et dans une république le président), que le Prince exerce tous les droits du Prince et cette haute initiative qui, dans les momens difficiles, trace la voie à suivre, qu’il tranché les conflits, impose le respect de la constitution et des lois, rappelle à leur observation quiconque s’en éloigne ; que le gouvernement gouverne en vérité, donne, lui le premier, l’exemple de ce respect des lois et ne se laisse pas forcer la main par le parlement, ou, ce qui est pis, par les partis, ou, pis encore, par les divers groupes des divers partis ; que le parlement légifère, surveille les actes du gouvernement, le rappelle de son côté à l’observation des lois, mais qu’il ne se laisse pas emporter à en usurper les attributions et les fonctions, ne se perde pas dans des futilités et des commérages, qu’il se tienne en continuel contact avec le pays, qu’il en écoute la voix, qu’il ne se prenne pas pour un organe vivant de lui-même en dehors et au-dessus de la nation[1]. »

Conformes entre elles, ces conclusions, jusque dans le détail de l’application pratique, coïncident et se combinent avec les nôtres, sur lesquelles nous n’aurons pas l’indiscrétion d’insister une fois encore. Il nous suffit pour aujourd’hui d’avoir relevé les symptômes nombreux et concordans de l’universelle lassitude qu’éprouve d’un bout à l’autre l’Europe continentale. D’un bout à l’autre, elle en a assez, elle n’en peut plus, elle n’en veut plus. Fervens machiavélistes même en cela, — dont je les loue, — tous ces Italiens l’ont montré « en considération des maux de l’Italie ; » mais ces maux, on l’a vu tout au long de cet article, sont nos maux. En guérirons-nous ? Pas sans peine. Mais, sans cette peine, nous en mourrons. Ou se reprendre par un grand effort, ou, comme disait M. Thiers, « finir dans l’imbécillité, » les bras croisés, les yeux clos, et la bouche ouverte toute ronde, à émettre des sons et à gober des mouches


CHARLES BENOIST.

  1. Ercole Vidari, la présente Vita italiana, p. 256.