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tous les peuples possibles et sous tous les régimes imaginables, on voit le parlementarisme à base individualiste et à suffrage inorganique aboutir en somme à ce résultat qui n’a rien de séduisant : tumulte, désordre et stérilité.

Ce n’est pas seulement en Italie que ce système s’emploie non à contenir les volontés inconsidérées de la foule, mais à les exciter, à les développer et à les satisfaire, ou du moins à dépenser à tort et à travers dans l’illusoire espérance de les satisfaire ; et qu’alors, les uns demandant le plus pour avoir quelque chose, les autres ne donnant rien parce que le moins serait encore énorme, il reste une naturelle duperie, une grande « turlupinature » avec un mépris réciproque. Ce n’est pas là seulement que se révèle la double tendance de ceux qui font partie des assemblées à croire qu’ils sont tout et qu’ils peuvent tout, et de ceux qui n’en font pas partie à croire que les assemblées ne sont rien et ne peuvent rien. Ce n’est pas seulement en Italie que le parlement devient peu à peu étranger ou extérieur à la nation, et la nation de plus en plus indifférente ou hostile au parlement ; que l’opinion publique, trop simpliste pour distinguer entre les actes et les personnes, de goûts grossiers, chaque jour tiraillée et secouée violemment, se repaît de médisances, s’abreuve de calomnies, et que, par le discrédit mérité ou immérité des hommes qui figurent soit dans les Chambres soit au gouvernement, les Chambres en bloc et le gouvernement en soi tombent dans une déconsidération funeste au pays tout entier. Ce n’est pas seulement là que ce genre inférieur de parlementarisme établit le règne du verbe et de l’argent ; que la corruption est « un fait semi-institutionnel ; » ni là seulement que les deux types sociaux prédominans dans les assemblées sont ou l’exalté qui n’a pour y siéger d’autre titre que son furieux « emballement » ou le millionnaire qui n’a d’autre titre que ses millions ; ni là seulement que, sans le sou, Salomon lui-même ne serait pas élu, et qu’avec des écus, un âne bâté l’emporterait sur le Stagyrite en personne.

Sous toutes les latitudes et toutes les longitudes fleurit le politicien professionnel, n’ayant de métier que la politique ou, plus exactement, la représentation parlementaire, et, sous toutes, après l’uomo delinquente de Lombroso, on pourrait isoler du surplus de l’humanité, — comme M. Siliprandi s’en donne le malin plaisir, — une espèce curieuse, l’uomo parlamentare, dont