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Une charrue abandonnée,
Des sillons obscurs émergeant,
Aux derniers bruits de la journée
Ouvre son oreille d’argent.

VII


Clarté du ciel, clarté des eaux, je vous salue !
Conques pourpres, sonore et transparent émail,
Rochers noirs d’où ruisselle une herbe chevelue,
Flancs des nefs que le flot refoule du poitrail ;

Vous, les frères plaintifs du rêveur, coquillages,
Vous, rocs, vaisseaux de pierre à jamais échoués.
Et vous qui bondissez sur d’écumeux sillages,
Barques, au nom des dieux marins, soyez loués !

J’ai goûté la senteur des algues, ô falaises !
Solitaire, cuvant des ivresses d’azur,
J’ai dormi sous les pins sanglans et les mélèzes.
Auprès des pâtres fous qui sculptent le bois dur.

J’ai vu tourner les feux des phares dans la brume.
Au bout du môle où vont s’asseoir les délaissés,
J’ai bu, la nuit, les vents mouillés dont l’amertume
Est salutaire aux cœurs que l’amour a blessés.

Et, voyageur épris de visions nouvelles.
Je vous adresse un tendre et nostalgique adieu,
Grève humide où la vague étale ses javelles,
Bois odorans, chemins doux aux pieds las, ciel bleu

Où le sel fait briller la chair des belles filles.
Adieu : Reçois encor mon âme, pays clair
Dont les golfes d’or fin se creusent en faucilles
Pour trancher les moissons houleuses de la mer !

VIII


C’était encore un soir au coucher du soleil.
Je menais sur le bord murmurant d’une grève
Mon cœur qui te répond, ô mer ! et qui, pareil
A ton abîme obscur, gronde, s’apaise et rêve,