de Sérapis, il nous dit avec complaisance qu’aucun des écrivains de Rome ne nous a encore appris d’où ce Dieu tirait son origine, et, pour la savoir, il invoque le témoignage des prêtres égyptiens. Ici encore sa situation peut expliquer qu’il ait lait de ces religions une étude particulière ; il était membre d’un collège sacerdotal, et ce collège (quindecim viri sacris faciundis) était spécialement chargé de surveiller les cultes étrangers, ce qui amenait la nécessité de les connaître. Il y a enfin d’autres digressions qui témoignent uniquement d’un esprit ouvert et curieux que la science attire pour elle-même : par exemple, celles où il nous renseigne sur l’ancien pomœrium et la topographie de certains quartiers de Rome, dont il nous dit comment ils s’appelaient autrefois, par quelles vicissitudes ils ont passé, et celle surtout où, après avoir parlé des lettres nouvelles qu’il prit fantaisie à Claude d’inventer, il nous raconte l’origine de l’alphabet. Remarquons, à cette occasion, que, dans ces problèmes délicats, Tacite est fort bien informé. Tout le monde, autour de lui, attribuait l’invention de l’alphabet aux Phéniciens ; Tacite la rapporte à l’Egypte, et la science moderne lui a donné raison. On supposait que les lettres avaient été communiquées aux Latins par les Etrusques ; il affirme qu’ils les ont reçues directement des Grecs : la question est encore aujourd’hui débattue parmi les savans ; mais l’opinion que soutient Tacite est celle qu’ont adoptée Kirchhoff et Mommsen ; d’où l’on voit qu’il avait puisé sa science à de bonnes sources.
Nous pouvons donc affirmer que, conformément aux idées qu’exprime Messalla dans le Dialogue, Tacite ne s’en est pas tenu, comme Aper et tant d’autres, à l’enseignement des rhéteurs, et qu’il a étudié ce qu’on n’apprenait pas à l’école. Peut-être, en le faisant, songeait-il surtout au profit que son éloquence en pourrait tirer, mais le profit a été plus grand qu’il ne le pensait ; en même temps que ces études achevaient d’en faire un grand orateur, elles développaient chez lui d’autres aptitudes ; son esprit y gagnait une souplesse et une étendue qui le rendaient propre à des travaux d’un autre genre. La curiosité qu’elles éveillaient en lui, le goût qu’il y prenait pour les recherches savantes et les connaissances précises, les notions qu’elles lui donnaient des institutions de son pays, du passé de Rome et des autres peuples, le préparaient, quand le moment serait arrivé, à devenir sans effort, et comme de plain-pied, un historien.