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qui appartiennent à Tacite dans son ouvrage, cherchons, autant qu’il est possible de le savoir, celles qu’il a mises en pratique dans sa vie et dont il s’est fait une règle de conduite. Messalla ne cache pas qu’il a peu de goût pour les rhéteurs et leur manière d’enseigner. En regard de cette instruction d’école, toute d’artifices et de procédés, il place le tableau de la vieille éducation romaine, du temps de la république. Il montre le jeune homme amené par son père chez un orateur en renom, admis dans son intimité, assistant à son travail, quand il se prépare à parler en public, le suivant au Forum, et u apprenant à combattre sur le champ de bataille. » Cette façon virile et vivante d’élever la jeunesse devait plaire à Tacite, et il en avait fait sur lui-même l’expérience. Il nous raconte qu’il s’était attaché aux deux hommes qui passaient pour être les plus éloquens de son époque, que non seulement il les écoutait parler en public, mais qu’il les accompagnait quand ils revenaient chez eux, qu’il entrait dans leur maison et prenait part à leurs entretiens les plus familiers. La méthode lui semblait bonne, puisque, plus tard, quand il fut devenu lui-même un personnage important, il fit pour les autres ce qu’on avait fait pour lui. Pline, en lui écrivant de lui envoyer des maîtres pour l’école qu’il fondait à Côme, lui disait de les prendre « parmi cette jeunesse studieuse qu’attirait autour de lui la renommée de son talent. » Elle venait donc l’entendre et profiter de son exemple, comme ceux qui, sous la république, fréquentaient la maison des orateurs célèbres, et c’est ainsi qu’il faisait revivre ces anciennes traditions que regrettait Messalla.

Dans un autre passage du Dialogue, Messalla reprend pour son compte une grande idée de Cicéron, qui exige que l’orateur avant d’aborder le Forum, ait tout étudié, tout connu, ou du moins tout effleuré, et qu’aucune science ne lui soit tout à fait étrangère. Il ne doit appliquer son intelligence à quelque profession particulière qu’après l’avoir étendue et fortifiée par une cul- ture générale, « de même qu’on n’ensemence la terre qu’après l’avoir tournée et retournée plusieurs fois. » C’est bien aussi l’opinion de Messalla. Il affirme que le génie oratoire n’est pas enfermé dans les limites étroites où l’école prétend le parquer, et qu’il est impossible de le réduire, pour toute préparation, à ces quelques préceptes d’habileté pratique que donnent les rhéteurs ; il veut que l’orateur, ainsi que le soldat, ne marche au combat qu’armé de toutes pièces ; il soutient que « c’est grâce à cette