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à se dessiner et à se détacher sur le fond plus obscur. Des tendances nouvelles commencent à s’accuser avec netteté : elles ont de plus en plus pour objet d’aller droit au gouvernement et au parlement, de les rendre responsables de la mauvaise volonté qu’on attribue aux patrons, et de s’en prendre à eux des déceptions de la classe ouvrière, qu’il leur serait, dit-on, si facile de changer en satisfactions immédiates. Six mois sont le délai extrême où toute une révolution doit être faite dans nos lois sociales, révolution inévitable, qui sera pacifique, si les pouvoirs publics veulent bien s’y prêter, mais qui, dans le cas contraire, procédera par d’autres moyens. Et le gouvernement peut voir par là ce qu’il a gagné à se mettre en avant comme il l’a fait. C’est sur lui que pleuvent tous les coups.

Quelles ont été les suites du congrès de Lens ? Nous sommes un peu embarrassés pour le dire, ne le sachant pas encore très bien. Mais, d’abord, il y a eu tout naturellement une confrontation entre les délégués du congrès et le gouvernement : c’est ce qui avait eu lieu déjà après le congrès de Saint-Étienne, et, de même que les deux congrès, les deux conversations se sont ressemblé beaucoup. La seule différence est que, la seconde fois, le gouvernement était représenté par M. Leygues, au lieu de l’être par M. Waldeck-Rousseau. Celui-ci a été malade après la clôture de la session, pendant laquelle il avait surmené ses forces, et il est allé demander à l’Italie une atmosphère plus tranquille et plus clémente que celle du Palais-Bourbon. En son absence, l’intérim du ministère de l’Intérieur est fait par M. Leygues, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. M. Leygues, avant de recevoir les délégués d’aujourd’hui, semble avoir relu avec soin les paroles que M. Waldeck-Rousseau avait adressés à ceux d’hier. A peine y a-t-il eu quelques nuances entre les deux discours ministériels ; elles ont été déterminées par la situation en partie nouvelle que la prolongation de la grève a créée à Montceau.

M. Waldeck-Rousseau avait fait entrevoir aux ouvriers que la compagnie refusait de reprendre, parce qu’elle manquait de travail à leur donner, la possibilité d’établir un roulement entre leurs camarades et eux : ils auraient ainsi travaillé tous à tour de rôle, mais chacun un peu moins, jusqu’au jour où les affaires de la mine, redevenues florissantes, auraient permis de les employer tous. Cette idée a été reprise, mais pour être enfin abandonnée. La première fois, les ouvriers n’en avaient pas voulu ; la seconde, les patrons l’ont déclarée impraticable ; et il paraît bien qu’elle l’est, puisque personne n’a insisté pour qu’elle fût appliquée. Il a fallu en chercher une autre.