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gène dans l’atmosphère des lieux habités, des champs, de la montagne, de la mer, est une œuvre de chimie pure : et, de même, la constatation de la présence de faibles proportions d’oxyde de carbone dans l’atmosphère des villes. Mais, n’est-il pas vrai de dire que ces découvertes ont été, en quelque sorte, préparées et annoncées par la Physiologie ? L’hydrogène a été signalé d’abord dans le sang des animaux. M. Gréhaut apercevait, il y a quelques années, dans le sang du chien, des traces de gaz combustible : il annonçait, en 1894, que ce gaz était de l’hydrogène, et il en fixait les proportions à 0cc,2 pour 100 centimètres cubes de liqueur sanguine. D’autre part, MM. Desgrez et Nicloux et M. de Saint-Martin décelaient, dans le même liquide organique, l’oxyde de carbone, à faible dose (1cc,3 par litre) ; et, ils arrivaient, après quelques hésitations, à reconnaître que ce gaz, toujours présent chez les animaux des laboratoires parisiens, faisait défaut chez ceux qui vivent loin des agglomérations urbaines. Or, le liquide sanguin est, à travers la membrane pulmonaire, en relations d’échanges réciproques avec le fluide atmosphérique : les gaz du sang sont les gaz de l’air : ce qui existe dans l’un doit se retrouver dans l’autre. Les savantes recherches de M. A. Gautier ont vérifié cette induction.

D’ailleurs, en ce qui concerne l’oxyde de carbone, l’histoire de ce gaz est liée à l’histoire même de la Physiologie. Il a été l’objet, en 1857, d’une très belle étude de Claude Bernard, de l’une de celles que l’on propose en modèle. Et c’est qu’en effet l’illustre physiologiste a eu ici, sur un champ plus restreint, l’heureuse fortune qui était échue une fois à Lavoisier, réduisant à la chimie les manifestations de la respiration et de la chaleur animale. Il a conduit l’analyse du rôle vital de l’oxyde de carbone jusqu’aux confins du monde physique. C’est là le terme de l’ambition du biologiste, parce que c’est le bout de son rôle.

Nous ne rappellerons pas ici cette démonstration lumineuse du mécanisme de l’empoisonnement par l’oxyde de carbone, mais seulement son résultat. L’action de l’oxyde de carbone se ramène à une question de combinaison chimique avec la matière colorante du sang, l’hémoglobine. Le gaz chasse l’oxygène et le remplace volume à volume. Toute partie du sang ainsi atteinte est annihilée ; elle est perdue pour les combustions organiques, sources de toutes les énergies vitales.

C’est par là que l’oxyde de carbone est un poison redou-