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à qui leur petitesse et la faiblesse de leur poids permettent de rester quelque temps en suspension sous l’action des courans d’air. Cette nuée est bien aussi un brouillard véritable, dans le sens précis du mot. On sait, en effet, depuis Tyndall, que les particules solides des fumées jouissent de la curieuse propriété de fixer la vapeur d’eau autour d’elles : elles servent de noyau de condensation à l’eau vésiculaire qui constitue les nuages et qui forme les gouttes de la pluie.

Ces impuretés diverses sont évidemment plus abondantes dans l’atmosphère des villes ; mais on les retrouve dans l’air des champs ; et, pour y échapper, il faudrait s’élever, en montagne, jusqu’aux hauts sommets, où, précisément, et pour d’autres causes, l’air cesse d’être respirable. Nous sommes donc condamnés à l’air trouble, peut-être plus fatalement et plus rigoureusement encore qu’à l’eau trouble. Et, puisque c’est une chimère d’aspirer à un air vierge de toute souillure, nous devons seulement chercher à neutraliser, dans une certaine mesure, les effets les plus incommodes ou les plus malfaisans de l’espèce de compost qui est offert à nos poumons. Qu’il y ait le moins de microbes pathogènes dans les poussières atmosphériques ; qu’il y ait le moins de gaz toxiques dans le mélange respiratoire : c’est le souhait raisonnable que nous pouvons former ; c’est aussi la tâche que doivent s’assigner les services administratifs à qui il appartient de réglementer notre hygiène.

I

Les inconvéniens de la viciation de l’air par les gaz et fumées que déversent continuellement les foyers des maisons particulières et des usines, dans une ville comme Paris, ont vivement préoccupé les hygiénistes et, spécialement, les savans distingués qui composent le Conseil d’Hygiène et de Salubrité de la Seine. Il y a un peu plus de dix ans, en 1890, cette assemblée choisit parmi ses membres un comité technique, composé de MM. Linder, Léon Colin, Armand Gautier, Foucher et Michel Lévy, et lui confia la mission d’étudier le degré de viciation de l’atmosphère parisienne par les émanations des foyers de toute espèce, d’indiquer les dangers qui en peuvent résulter, et les moyens d’y parer. L’éminent chimiste Armand Gautier accepta la lourde tâche de conduire ces difficiles recherches.