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LA
LITTÉRATURE IMPÉRIALISTE


Les romans de Benjamin Disraeli. — Les romans et les nouvelles de Rudyard Kipling.


Nous avons demandé à quelques écrivains français, bien instruits des choses d’Angleterre, leurs explications et leurs jugemens sur la crise d’impérialisme qui transforme ce pays[1], Faisons la contre-épreuve : non plus avec des philosophes, des critiques, toujours suspects de voir leur nation comme ils voudraient qu’elle fût ; mais avec des conteurs. Qui nous renseignerait mieux que les peintres des mœurs, les entraîneurs de l’imagination publique ? S’ils lui plaisent fort, c’est qu’ils ont deviné son humeur ; ils guident et propagent les passions qu’ils flattent.

Loin de moi la prétention d’instituer dans cet article une enquête générale. Oublions aujourd’hui les romanciers et les poètes voués au culte de la beauté pure, à l’étude de l’âme dans ses mouvemens éternels ; oublions ceux qui entretiennent l’Anglais de sa paisible vie domestique, de sa profonde vie morale. Ils étaient hier encore les plus nombreux, les plus écoutés dans une littérature dont ils font la gloire durable. Ceux-là sont momentanément délaissés, de bons observateurs l’attestent ; on se déprend de George Eliot et de ses pareils. Cette seule remarque en dit long sur les inclinations nouvelles des esprits. Ils s’orientent vers un idéal d’action aventureuse, de force dominatrice, de succès à tout prix.

Il m’a paru que deux hommes entre tous jetaient une vive lumière sur les origines et l’explosion du sentiment impérialiste.

  1. Voir la Revue du 1er avril.