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non pas un commandement de Dieu. Ce don est rare, l’Écriture elle-même l’enseigne. Ce que les fidèles ont en commun, ce n’est pas la connaissance de Dieu, c’est l’obéissance à Dieu. Dira-t-on qu’ils ne sont pas obligés de connaître, mais de croire ? Ce serait ici un simple jeu de mots, car pour percevoir les choses visibles nous n’avons que les yeux ; pour percevoir les choses purement spéculatives, que les démonstrations. À la vérité, l’Écriture ne cherche pas à donner la science, mais l’esprit d’obéissance. Obéir à Dieu consiste à aimer les hommes. Aimer les hommes est la seule voie chrétienne d’aller à Dieu. Tout chrétien devrait se pénétrer de la doctrine de Jean, de cette grande doctrine d’amour : « Celui qui dit : Je connais Dieu, et qui n’aime pas les hommes est un menteur… Personne n’a l’idée de Dieu que par l’amour du prochain. Celui qui aime ses frères connaît Dieu, celui qui ne les aime pas ne connaît pas Dieu.. Dieu, qui est amour, nous a donné l’amour, et c’est par là que nous savons que tout homme est en Dieu, et que Dieu est en nous. »

La vie d’amour est l’unique règle de la foi catholique, le seul moyen d’en déterminer les dogmes fondamentaux. La foi consiste à savoir sur Dieu ce qu’on n’en peut pas ignorer sans perdre tout sentiment d’amour, ce qu’on en sait nécessairement par cela seul qu’on a ce sentiment. Elle ne porte pas sur des attributs métaphysiques, démontrables, de Dieu. On croira simplement qu’il y a un Père qui aime la justice, la charité. On y ajoutera, par exemple, qu’il est unique, qu’il est présent partout, qu’il a sur toutes choses une autorité suprême, que le culte qu’on lui doit ne consiste qu’en l’amour du prochain, que ceux qui vivent ainsi sont sauvés, que les péchés sont remis à ceux qui s’en repentent ; toutes vérités qu’il n’est pas besoin de savoir par la raison, mais d’éprouver par la pratique, car il n’y a pas d’abord des dogmes chrétiens entraînant un certain genre de vie, il y a d’abord une vie chrétienne appelant certaines croyances.

Sans doute ce petit nombre de dogmes fondamentaux ne peut pas être laissé à l’arbitraire, car chacun pourrait introduire dans la religion ce qui lui plairait, sous prétexte que c’est un moyen qui le dispose à la piété. Mais, pour tout le reste, la liberté est entière. Qu’est-ce que Dieu ? Est-il feu, esprit, lumière, pensée ? Comment est-il partout ? Y a-t-il en nous libre arbitre ou nécessité ? La récompense est-elle naturelle ou surnaturelle ? Cela ne regarde pas la foi. Pascal dit de même : « Il