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meilleure preuve de l’existence de Dieu, depuis que nous les savons enchaînés par des lois universelles et nécessaires, où nous voyons comme une manifestation de l’éternité, de l’infinité, de l’immutabilité de Dieu.

Nous trouvons absurde de recourir à la puissance de Dieu, quand nous ignorons la cause naturelle d’une chose, c’est-à-dire la puissance de Dieu même. Et, si un fait n’avait réellement pas sa cause dans la nature, comme il ne serait jamais qu’un effet limité, nous ne pourrions l’attribuer qu’à une puissance limitée, à un démiurge, à un démon. Un miracle ne pourrait pas nous prouver l’existence de Dieu, mais nous en faire douter. Ce sont les sceptiques et les athées qui devraient maintenant tirer argument des miracles.

Rappelons-nous que, dans l’Écriture, les miracles n’avaient de valeur qu’en tant qu’ils atteignaient leur fin, l’édification des âmes. Or, cette fin n’est plus atteinte. Jamais l’Écriture n’a donné aux miracles une importance prépondérante. Après Moïse, Ézéchiel et Michée, Jésus nous avertit qu’il y a de faux miracles, destinés à aveugler les méchans. On peut donc moins se fier aux miracles eux-mêmes qu’à la sainteté de la vie de celui qui les accomplit, car il n’y a que les justes que Dieu ne trompe jamais. Pour les gens peu subtils, les miracles discernent la doctrine ; pour les esprits un peu éclairés, la doctrine discerne les miracles. En un mot, les miracles étaient des moyens d’édification, légitimes tant qu’ils produisaient leur effet, mais à rejeter depuis qu’ils se sont tournés en scandale. Il y avait autrefois deux « signes » de la révélation, les miracles et l’excellence de la vie qui nous est proposée. Nous ne sommes plus frappés que du second. Si nous ne pensions pas que cette règle de vie soit la meilleure de toutes, nous rejetterions la Bible comme l’Alcoran Nous ne verrions en elle aucun caractère de divinité.


V

Quelle est cette règle de vie ? Spinoza l’appelle tantôt « loi divine » parce qu’elle n’a rapport qu’au salut, tantôt « foi catholique » parce qu’elle peut être acceptée de tous les hommes. Elle est contenue dans le précepte : « Aimez Dieu comme votre souverain bien, » auquel il faut joindre cet autre, qui est au fond le nième que le premier : « Aimez les autres hommes