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c’étaient, au Conseil municipal de Paris, Antide Martin, A. S. Morin, et le gendre de Camille Leroux, Desmoulins ; c’étaient Armand Leygue, de Toulouse, et Mocqueris, gendre d’Eugène Pelletan ; c’était Vacquerie, proposant en 1877 à la signature de toutes les mères « une pétition qui demanderait, qui réclamerait, qui exigerait les États-Unis d’Europe, » et dérobant aux cartons d’Hugo les plus saisissantes antithèses : « À bas la guerre ! Meure le meurtre ! Vive la vie ! » C’étaient Ch. M. Laurent, qui luttait en Bretagne pour l’idée républicaine, et Mangin, directeur d’un journal niçois ; c’était Auguste Marais, ancien professeur à Sainte-Barbe, devenu sous-préfet au Quatre-Septembre ; c’étaient enfin un certain nombre de personnalités des loges maçonniques, aussi bien du rite écossais que du Grand-Orient, puisqu’on vit, en 1872, Jules Cousin, le futur président du conseil de l’Ordre du Grand-Orient, envoyer du congrès de Lugano l’adhésion de la loge la Clémente Amitié, et les représentans les plus qualifiés de la maçonnerie écossaise, réunis à Lausanne en 1875, adhérer individuellement au congrès de Genève.


V

Il semble, à la vérité, que durant les années qui suivirent la guerre la maçonnerie française ait fait plus de cas des vertus patriotiques, dont volontiers jadis elle abandonnait la culture aux profanes. Plusieurs souscriptions pour les blessés et pour la libération du territoire furent organisées par le Grand-Orient ; et jusque dans la Nouvelle-Calédonie, pourtant bien lointaine, prévalurent les souffles nouveaux auxquels la maçonnerie de la métropole paraissait devenir hospitalière : l’histoire rapporte en effet qu’en 1873, dans la loge de Nouméa, l’on discuta très solidement si, oui ou non, le maçon avait une patrie, et c’est le premier avis qui l’emporta. Si, dans le secret des tenues, on résolvait par l’affirmative cette question troublante, on prenait l’habitude, en présence des laïques, de la supposer toute résolue : aussi les solennités maçonniques où les profanes étaient admis se distinguaient-elles par une profusion d’éloquence patriotique, voire même de poésie, et l’on entendit Crémieux lui-même, en compagnie d’Arago, parler comme un Français de race, en 1878, dans la grande salle du Trocadéro. Une loge surtout, qui s’appelait l’Alsace-Lorraine, se complaisait en ces manifestations fort