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Baratieri, « celui qui possède Fachoda influe sur l’avenir de l’Abyssinie, » et il ne lui était pas indifférent que ce fussent les Français, ses amis, plutôt que les Anglais, en qui son bon sens lui faisait pressentir des adversaires, qui s’y établissent. Malheureusement, il s’en fallut de quelques jours que la trop courte apparition des guerriers du Négus sur le Nil coïncidât avec le passage de la mission Marchand. Sur l’ordre de Ménélik, le dedjaz Thessama, cousin et officier de confiance de l’empereur, s’avança avec 8000 hommes sur les plateaux au sud de Goré. Deux Français, M. Faivre, et un artiste, M. Maurice Potier, qui avaient fait partie de la mission de Bonchamps, et le colonel russe d’Artamanoff s’étaient joints à l’armée abyssine. Ce furent eux qui, avec une avant-garde, contournèrent par le sud les marais du Haro et de la Djoubba, qui avaient arrêté M. de Bonchamps et parvinrent, en descendant la rive gauche du Sobat, jusqu’à son confluent avec le Nil. Sur leur route, ils avaient pris soin de passer avec les chefs Noüers et Dinkés des traités au nom de Ménélik et de planter des pavillons abyssins sur les cases des chefs. Mais le manque de bateaux les arrêta en présence du grand fleuve ; en vain le colonel d’Artamanoff traversa-t-il, au péril de sa vie, un large bras du Nil et réussit-il à faire flotter un drapeau français dans une île en face de l’embouchure du Sobat, il fallut rebrousser chemin. C’est le 27 juin 1898 que la petite troupe avait atteint le Nil ; elle en quitta les bonis le même jour, et, douze jours après, le 8 juillet, le commandant Marchand et son avant-garde, descendant vers Fachoda, passaient au même point ! Mais déjà les Abyssins étaient repartis vers les montagnes de la haute Djoubba ; il fut impossible de les rejoindre.

L’expédition de Thessama se liait à tout un plan de reconnaissance et d’occupation des rives du Nil Blanc : plus au nord, le ras Makonnen descendait, avec son corps d’armée de 30 000 hommes, des hauteurs du pays des Beni-Chongoul, dont le chef Abd-er-Rhaman venait de reconnaître la suzeraineté de Ménélik, s’avançait vers l’ouest et atteignait le Nil entre les 11° et 15° de latitude nord ; puis, après avoir razzié quelques troupeaux de bœufs, il reprenait le chemin des plateaux. En même temps, le ras Ouoldegorgis, accompagné du lieutenant Boulalovitch, attaché à la légation russe d’Addis-Ababa, s’avançait. vers le sud pour surveiller. les mouvemens de la mission anglaise du major Mac-Donald, occupait le bas Omo au nom du roi des