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contenter d’assister, de loin et en curieux, à la bataille d’Adoua ; puis il revint, fatigué et malade, à Djibouti. C’est là qu’en janvier 1897, il reçut brusquement de France l’ordre de partir sans délai pour le-Nil : on s’avisait enfin à Paris que le commandant Marchand allait peut-être arriver à Fachoda et qu’il était grand temps de marcher, par l’est, à sa rencontre ! Clochette partit en hâte, sans le matériel et les ressources qui eussent été nécessaires au succès de son entreprise ; malade d’une albuminurie qu’un coup de pied de mule avait subitement aggravée, fatigué des retards que l’insuffisance de ses bagages et la difficulté de rassembler des hommes et des vivres lui firent subir, il mourut à mi-chemin du Nil. Derrière lui, une autre mission venue de France, celle de MM. Bonvalot et de Bonchamps, suivait la même direction et rencontrait les mêmes obstacles. Mal équipés pour une expédition longue et difficile, gênés par la tiédeur de certains concours, sans bateau pour traverser la rivière ou en descendre le cours, sans escorte sénégalaise, M. de Bonchamps, devenu chef de mission après le départ de M. Bonvalot, et ses compagnons ne pouvaient attendre le succès que du concours et de la bonne volonté du Négus. Malheureusement, l’ignorance ou le mauvais vouloir des chefs vassaux ou des officiers subalternes du Négus provoquèrent des difficultés, des dissentimens que l’on ne put apaiser qu’en recourant à Ménélik lui-même et qui retardèrent la marche. Malgré tous ses efforts, la mission de M. de Bonchamps ne put parvenir, en descendant la rive gauche du Baro, que jusqu’au point où cette rivière et la Djoubba, en se réunissant, forment le Sobat (30 décembre 1897). Là, exténuée, anémiée par le séjour malsain de ces rives marécageuses, après de vains efforts pour radouber une vieille pirogue et pour construire un radeau, elle ne put que contempler impuissante ces eaux qui fuyaient devant elle et qui auraient pu la porter rapidement jusqu’au Nil, et elle dut reprendre le chemin de la mer[1].

Ménélik, cependant, ne restait pas inactif. Il avait à cœur de planter son drapeau sur celle rive droite du Nil qu’il avait toujours revendiquée comme la frontière de ses Etats. Il devinait, en outre, que, pour employer une expression du général

  1. Voyez le rapport de M. de Bonchamps dans la Revue coloniale de février et de mars 1899. — Voyez aussi le livre de M. Charles Michel, second de la mission de Bonchamps : Vers Fachoda, Paris, Plon, 1901, 1 vol. in-8o (avec des dessins de Maurice Potier).