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territoire qui couperait à jamais, à l’expansion de la colonie du Cap, la route du nord. Or, l’Afrique doit être anglaise « du Cap au Caire : » ainsi l’ont décidé les Cecil Rhodes et les Chamberlain, ainsi le veut « l’Impérialisme ; » et il ne faut pas voir là seulement la manifestation d’une ambition intempérante : l’Afrique doit être anglaise parce que l’Angleterre a besoin de nouvelles Indes pour absorber ses produits, pour que les usines du Lancashire ne viennent pas à chômer, et pour que l’immense population ouvrière qui grouille dans les comtés industriels puisse travailler et vivre. Aussi, malheur à qui barre la route ! Portugais ou Boers dans le sud. Français ou Ethiopiens dans le nord, il faut que « l’Impérialisme » passe, s’ouvre la route des Grands Lacs, l’accès des sources du Nil et, pour nous servir d’une saisissante expression de M. E.-M. de Vogüé, se réserve l’exploitation des « Indes noires[1]. »

De 1887 à 1891, la crise décisive éclate : c’est elle qui a fixé les limites actuelles de l’Angola et du Mozambique. L’histoire coloniale du Portugal a son point critique dans ces événemens et dans le traité qui les clôture : ils éclairent d’un jour étrange l’alliance récemment proclamée à Lisbonne. Sans entrer dans le détail de faits déjà connus[2], il est nécessaire d’en résumer l’ensemble : l’on risquerait sans cela de ne pas se représenter exactement l’état actuel des colonies portugaises.

C’est l’or qui, dans l’Afrique du Sud, a le premier suscité les convoitises rivales et poussé les Anglais et les Portugais vers les pays de l’intérieur où eut lieu le choc de leurs intérêts contraires et la rencontre de leurs marches en sens opposés. Là où, vers le milieu du siècle, passa le pacifique et généreux Livingstone, tout un flot d’explorateurs et d’aventuriers se ruèrent après les premières découvertes du métal précieux. Vers 1870, l’or était signalé non seulement au Transvaal, mais encore dans toute la région entre le Limpopo et le Zambèze, dans le Manica et le Machona, sur le territoire des Matabélés et jusque sur les confins du lac Nyassa. Dès lors commence pour tous ces pays une vie nouvelle, vie agitée et tourmentée, mais active et finalement féconde et créatrice.

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1890.
  2. On pourra consulter sur ces événemens : le livre intéressant de M. Jean Darry : la Conquête de l’Afrique, Librairie Perrin, 1 vol. in-12 ; ou encore le Partage de l’Afrique, par M. Victor Deville (André éditeur).