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avait été exécuté l’arrangement du mois d’août dernier, ils ne laisseraient à aucun prix en remettre en cause le principe, ni les termes. On se rappelle qu’à cette époque, une première grève avait eu lieu à Marseille. Les revendications des ouvriers, exagérées sur certains points, étaient mieux fondées, sur d’autres : la situation qui leur était faite correspondait à un état de choses déjà ancien et dont les élémens s’étaient en partie modifiés. Les patrons s’en étant rendu compte, un accord ne tarda pas à se faire entre eux et les ouvriers. Tout le monde s’en montra alors pleinement satisfait, et M. Flaissières, le maire socialiste de la ville, reconnut le premier la loyauté qui avait présidé aux négociations et l’heureux résultat auquel elles avaient abouti. On se donna de part et d’autre le baiser Lamourette, et tout rentra provisoirement dans l’ordre et dans le travail. Six mois à peine s’étaient écoulés depuis cet arrangement, lorsqu’une nouvelle grève éclata. Pourquoi ? Pour rien. Jamais il n’y eut plus grande disproportion entre les prétextes invoqués et les conséquences produites. Mais un double ferment travaillait la masse ouvrière : la présence de M. Millerand au ministère du Commerce, et celle de M. Flaissières à la mairie de Marseille La grève faite, il fallut les justifier : les ouvriers parlèrent alors de l’arrangement du mois d’août et des changemens à y introduire Les patrons déclarèrent qu’ils n’en admettraient aucun. Et ils avaient raison : la vie économique serait impossible, si les contrats les plus solennels pouvaient être déchirés tous les six mois par un simple caprice d’une des parties. Aussi n’étions-nous pas préparés à une décision qui permettait à un arbitre de rouvrir la discussion sur l’arrangement du mois d’août. Il y avait là, a priori, quelque chose de suspect. Comment les patrons, après avoir affirmé si haut leur ferme volonté de ne pas laisser porter atteinte à un texte qui était devenu la charte du travail à Marseille, changeaient-ils si vite d’attitude, de langage et de résolution ? C’était à ne pas y croire : mais, encore une fois, le message téléphonique adressé d’un ministère de Paris, — n’importe lequel, — à la mairie de Marseille était si catégorique, qu’on ne savait plus qu’en penser. L’affirmation de l’homme au téléphone, quel qu’il fût, était péremptoire « Les patrons acceptent » il était impossible d’être plus clair. Seulement, de quels patrons s’agissait-il ? On savait que les armateurs et les entrepreneurs marseillais avaient envoyé des délégués à Paris, et que ceux-ci avaient eu plusieurs entrevues avec les ministres de l’Intérieur et du Commerce. MM. Féraud et Estier occupent à Marseille une situation importante. Leur engagement, s’ils en avaient pris un, avait à coup sûr une va-