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lieu de l’œuf de la poule, il a donc analysé la laitance des poissons et, d’abord la plus simple, celle des saumons. Comme il faut s’y attendre, d’après ce qui a été dit des protéides, cette matière vivante offre une combinaison de la nucléine, déjà connue, avec une albumine. Celle-ci est abondante : elle forme le quart de la masse totale. Elle est de réaction fortement alcaline, ce qui est le caractère général de la variété d’albumines appelées histones. Le savant chimiste de Bâle, Miescher, qui avait aperçu, en travaillant sur les saumons du Rhin, cette albumine basique, lui avait donné le nom de protamine.

Telle est la substance que Kossel a soumise à l’analyse, de préférence à l’albumine d’œuf, chère aux chimistes qui l’avaient précédé. La dislocation de cette molécule, en place des longues séries des corps obtenus par Schützenberger, n’en donna qu’un seul qui est une véritable base chimique, l’arginine. Du premier coup, l’albumine examinée était ramenée à un élément simple, cristallisable.

La conclusion s’imposait. La protamine du saumon était la plus simple des albumines. Pour constituer cette matière protéique élémentaire, il suffit d’une base hexonique unie à l’eau. Ce résultat fut étendu. En examinant d’autres cellules génératrices mâles, on trouva une série de protamines construites sur le même type. Et toujours ces corps albumineux se montraient formés d’une base ou d’un mélange des bases hexoniques, analogues : l’arginine, l’histidine, la lysine, tous corps très voisins par leurs propriétés et appartenant entièrement au monde physique.

Une fois prévenus de l’existence de ce noyau fondamental, les chimistes l’ont retrouvé dans les albumines plus compliquées où il avait été méconnu. On l’a rencontré dans les produits de décomposition de l’albumine d’œuf, dissimulé sous l’amas des décombres : de même dans les albumines des graines. D’une de ces substances à l’autre, tel ou tel des quatre groupemens de Schützenberger peut faire défaut : les bases hexoniques, au contraire, sont l’élément constant et universel de toutes les variétés d’albumines. Elles prévalent dans le noyau chimique de la molécule albumineuse ; et peut-être, comme le dit Kossel, le forment-elles exclusivement. Tous les autres élémens sont surajoutés, accessoires. Le type essentiel de cet édifice moléculaire, tant recherché, est enfin connu. La base hexonique forme le gros œuvre, l’ossature de la construction albumineuse.


A. DASTRE.