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eau ne se loge point dans des vides, dans des interstices préexistans, car la matière organique ne présente point de lacunes de ce genre : elle ne ressemble pas à une masse poreuse creusée de canaux capillaires, comme le grès, le plâtre gâché, l’argile ou le sucre raffiné. Les molécules d’eau s’interposent entre les molécules organiques en les écartant ; elles agrandissent ainsi, par une sorte d’intussusception, les intervalles qui les séparent les unes des autres, intervalles moléculaires qui échappent aux sens, comme les molécules elles-mêmes, parce qu’elles sont sensiblement du même ordre de grandeur.

En méditant sur ce phénomène, un physiologiste éminent ; Naegeli, en 1877, fut amené à proposer sa théorie micellaire. Les micelles sont des groupemens de molécules au sens où les physiciens et les chimistes entendent ce mot : ce sont des édifices moléculaires, ayant figure, avides d’eau et capables d’en fixer une couche plus ou moins épaisse et adhérente à leur surface ; en un mot, des agrégats de matière organique et d’eau.

Il y a donc tout lieu de penser que les microsomes du protoplasma spongieux, support ou base physique de la vie cellulaire, sont des associations de micelles, formées par les substances albuminoïdes et l’eau. Ces formes de groupement, ces micelles, ne sont d’ailleurs pas absolument particulières à la matière organisée. Le savant botaniste Pfeffer les a signalées, sous le nom différent de tagmas, dans les membranes de précipités chimiques.

Au-delà de ce nouveau terme, l’analyse ne rencontre plus que la molécule chimique et l’atome. Dételle sorte que, si l’on voulait remonter maintenant la hiérarchie des matériaux de construction du protoplasma dans l’ordre de la complication croissante, on trouverait à la base l’atome ou les atomes des corps simples. Ceux-ci sont principalement le carbone, l’hydrogène, l’oxygène, l’azote, élémens de tous les composés organiques, auxquels s’ajoutent le soufre et le phosphore. Au-dessus, la molécule albuminoïde, ou les molécules albuminoïdes, agrégats complexes des atomes précédens. Au troisième degré, les micelles ou tagmas, groupemens d’albuminoïdes et d’eau, encore trop petits pour être perceptibles aux sens. Ceux-ci se réunissent à leur tour pour constituer les microsomes, premier élément visible de Schwarz au microscope : les microsomes, cimentés par la linine, qui, comme nous le verrons, est une variété de nucléine, forment les filamens ou chaînons qu’on appelle mitomes. Et le protoplasma vivant n’est, en définitive, qu’un peloton, un écheveau embrouillé, ou une charpente spongieuse formée par ces filamens.