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l’école de Birmingham remporte avec son chef entreprenant ; fer contre coton. L’empirisme anglais abdique devant le rationalisme allemand, conclut M. Bérard. Trop tard, à son avis ; et il prédit le triomphe de l’Allemagne. — « Britannia fait encore grande figure. Mais l’humanité n’a plus confiance ; elle se détourne de cette grandeur déchue : au son des canons et des fanfares, dans les cantiques et dans les toasts, l’Allemagne de Kant, de Bismarck et de Wagner, l’Allemagne rationnelle, puissante et créatrice, peut saluer l’aurore du siècle qui vient. » — Nous verrons. Dans l’atelier obscur du Temps, les lauriers sont préparés par une ouvrière fantasque, Ironie, qui en fait des couronnes ou des verges pour les prophètes.

A tous ceux qui veulent se documenter, je recommande ce volume bourré de chiffres et de tableaux statistiques. Toujours alerte dans sa vaillante humeur de polémiste, l’auteur fait manœuvrer ces lourdes troupes au pas de charge, il ne leur permet pas d’être ennuyeuses. Si je ne m’étends pas davantage sur des argumens d’ordre économique, c’est qu’ils sortent un peu de notre sujet : nous étions partis en compagnie des psychologues, nous voulions savoir comment ils ont exploré l’âme anglaise, et ce qu’ils vont trouvé. Qui mieux que M. André Chevrillon nous ramènerait à notre propos ?

Je n’ai pas à redire ici la compétence du jeune écrivain. Il a vécu avec ses modèles dans la métropole, aux Indes, en Égypte : les premiers dessins qu’il fit d’après eux l’ont placé hors de pair. Il nous donna, voici tantôt sept ans, un livre dont le titre doit lui paraître aujourd’hui mélancolique : Sydney Smith et la Renaissance des idées libérales en Angleterre au XIXe siècle. Les Etudes anglaises s’ouvrent encore sur des pages idéalistes, consacrées à la peinture de Burne-Jones, à la poésie de la nature dans Shelley.

Les modèles ont brusquement changé d’altitude ; il faut les saisir sous leur nouvel aspect ; et c’est où nous attendions M. Chevrillon. L’an dernier, alors que le colossal effort de la Grande-Bretagne se brisait contre l’héroïque résistance du petit peuple Boer, le voyageur repartit pour Londres. Là, il écouta les voix diverses, il respira l’air ambiant ; il prit ces notes, où les aperçus psychologiques s’encadrent dans les croquis de l’énorme et morne cité. Il a soin de nous la rendre toujours présente, avec son poids de tristesse, sa nuit de fumée, son