l’épopée littéraire, mais, de l’épopée vécue jadis sur les mers lointaines, les événemens n’ont respecté que des parcelles : le Portugal peut encore, grâce à ces terres dispersées par le monde, arborer son drapeau sur différens rivages, exploiter çà et là quelques riches territoires, mais tout espoir d’un empire colonial vaste et cohérent a disparu pour lui. Ainsi, parfois, plus longtemps que l’œuvre des hommes d’Etat, des soldats ou des navigateurs, subsiste, par-delà les siècles et les révolutions, le chant inspiré des poètes.
C’est lentement, par l’effet longtemps continué de circonstances politiques défavorables et de causes économiques inéluctables, et non par une soudaine défaillance de son courage, que le Portugal est descendu du premier rang qu’il occupa un instant parmi les nations colonisatrices, jusqu’à la place médiocre où il est aujourd’hui relégué. Ce n’est pas le cœur qui lui a manqué, c’est l’argent et les hommes.
A mesure que des États plus peuplés, l’Espagne, la Hollande, l’Angleterre, la France, envoyèrent sur les mêmes rivages des flottes plus puissantes, la suprématie coloniale du Portugal alla disparaissant. Ni la nature de sa vie économique, ni le nombre de ses habitans ne lui permettaient de coloniser d’une façon durable les pays où il montrait son drapeau et où commerçaient ses nationaux. Ceux-ci, d’ailleurs, recherchaient au-delà des mers beaucoup moins un établissement agricole que les moyens de supplanter définitivement Venise dans le commerce des « épices. » Ce que Gama découvrit, ce que ses successeurs jalonnèrent de postes fortifiés, ce fut une nouvelle route pour parvenir aux marchés si riches de Chine, du Japon, de l’Inde. On a comparé avec raison l’empire portugais au XVIe siècle à l’empire phénicien dans l’antiquité : c’étaient bien les mêmes procédés d’occupation superficielle et d’exploitation commerciale. L’Afrique, moins riche, peuplée d’habitans moins civilisés et moins commerçans que l’Extrême-Orient, représentait surtout pour les Portugais la ligne d’escales fortifiées qui conduisait aux Indes et la patrie des esclaves qu’il était lucratif d’aller revendre en Amérique. Il serait injuste toutefois de dire, — comme on l’a fait en Angleterre, quand on a cherché des prétextes pour occuper une bonne partie des possessions lusitaniennes, — que les Portugais n’ont jamais pénétré dans « l’arrière-pays » de leurs comptoirs africains. A défaut de preuves historiques, les traces si nombreuses des