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l’empire allemand. — Ce fut aux dépens de l’Ethiopie que la nouvelle alliance fut scellée.

Les étapes de l’expansion italienne sur les côtes de la Mer-Rouge sont curieuses à suivre, parce que la coïncidence des événemens fait clairement apparaître les mobiles de l’Italie et les concours dont elle était assurée. Depuis 1869 et 1880, la compagnie de navigation Rubbatino possédait, un dépôt de charbon dans la baie d’Assab ; en 1882, c’est-à-dire aussitôt après l’occupation de la Tunisie par les Français, les rives de la baie furent déclarées possession italienne. A la fin de 1884, s’organisait, avec une lenteur qui n’a pas laissé que de provoquer des commentaires, l’armée que le général Wolseley devait conduire au secours de Gordon : le Foreign Office offrit aux Italiens de débarquer des troupes à Massaoua, d’où part la route la plus courte de la mer vers Khartoum ; malgré les représentations du Khédive, souverain légitime de cette côte, et du Sultan lui-même, le port fut occupé, la garnison égyptienne chassée et le drapeau italien planté.

Ainsi, ce même port de Massaoua, codé quelques années auparavant, à l’instigation de sir Henry Bulwer, au Khédive, et dont l’amiral Hewett avait récemment promis le libre usage aux sujets du Négus, les Anglais, maintenant, le livraient en toute propriété à un État européen. L’Ethiopie s’arma contre cet ennemi nouveau qui la séparait de la mer et dont les troupes s’avançaient, jusque sur les confins du Tigré. Dès 1887, les Italiens reçurent un avertissement sérieux : une colonne fut détruite à Dogali par le ras Alula ; mais, au moment où Johannès s’apprêtait à marcher avec toutes ses forces contre les intrus, il fut rappelé en arrière par l’invasion des derviches et périt à Métamma.

Ce fut dans ces circonstances terribles, au moment où musulmans d’Afrique et chrétiens d’Occident semblaient conjurés pour anéantir la nation abyssine, que le roi du Choa, Ménélik II, l’emportant facilement sur tous ses rivaux, prit la difficile succession de Johannès et ceignit la couronne des Négus. La nécessité de traiter avec les Italiens s’imposa tout d’abord à lui, car il fallait, avant tout, étouffer les germes de guerre civile toujours prêts, dans ce pays où l’esprit féodal n’est pas encore disparu, à fermenter à la mort d’un souverain, éteindre les jalousies des ras et affermir son autorité. Ménélik d’ailleurs, comme roi du Choa, avait entretenu avec les Italiens, établis à la baie d’Assab, des