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y trouvait l’avantage d’exprimer les doctrines essentielles du catholicisme, sous une forme acceptable à toutes les religions établies, et de concéder à l’esprit du XVIIIe siècle que ce retour à Dieu serait une œuvre de la raison humaine. Mais deux imperfections étaient inséparables de l’œuvre. D’abord, la philosophie d’où découlait la morale avait pour juge l’Etat : ce qui doit rester le plus stable dans la société dépendait donc de ce qui allait devenir le plus mobile, ensuite, l’Etat obligeait les maîtres à enseigner une doctrine sans avoir autorité pour les convaincre : c’était hasard s’ils étaient exactement spiritualistes selon la formule. Que leur pensée fût attirée vers le catholicisme ou vers le doute, et qu’ils fussent sincères, ils cessaient d’être obéissans et l’on tombait dans l’anarchie des doctrines ; qu’ils restassent obéissans, ils risquaient de ne pas être sincères, et d’avoir une parole morte.

Le nom de l’Empereur écartait à la fois l’idée de changement et d’indiscipline : plus encore celui des Bourbons sembla ramener la stabilité politique et l’unité religieuse. Mais, quand la révolution de Juillet brisa la confiance de la France en l’idée de durée, les ressorts du pouvoir se détendirent ; malgré la férule de Cousin, les doctrines personnelles des maîtres dans l’Université prirent licence ; ce fut fait de l’unité intellectuelle. Déconcertées par des leçons contradictoires, les générations y apprirent le scepticisme et les caractères fléchirent avec les croyances.

C’est alors que les catholiques voulurent, et, sous des gouvernemens qui se réclamaient de la liberté, obtinrent, par la liberté de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur, le droit d’élever leurs enfans selon leurs propres principes. Et, il y a un quart de siècle, les deux enseignemens, moins ennemis qu’ils ne le croyaient, vivaient encore, l’un soucieux surtout d’élever, l’autre surtout d’instruire. L’Etat était peu capable avec sa philosophie de remplir les consciences. Mais, s’il y laissait du vide, il n’y mettait pas de poison. Même, volontairement tributaire du catholicisme, il confiait aux instituteurs et aux institutrices congréganistes une partie des écoles publiques.


III

Cette situation a changé tout à coup il y a vingt ans. On sait comment la France, désireuse de confier le pouvoir aux