Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/603

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soi-même « une grande abbaye » du royaume, celle par exemple de Saint-Germain-des-Prés.

Cette requête, disons-le, ni d’autres qui la suivent, ne rencontrent aucun succès. Le Roi, pas plus que ses ministres, ne garde à présent d’illusion sur la valeur de son allié, sur les forces dont il dispose, sur le concours qu’on en peut espérer. D’ailleurs, depuis deux ans, les circonstances ont bien changé. Le 30 août 1673, des traités d’alliance offensive ont été signés à la Haye entre les États Généraux, le roi d’Espagne et le duc de Lorraine. Le 15 septembre, entre en campagne M. de Monteccuccoli, le général de l’armée impériale ; un mois plus tard, ce sont les Espagnols. C’est le premier acte du drame qui, pendant près de quarante ans, va se jouer entre la France et les nations coalisées contre elle. « La guerre de Hollande est finie, la guerre européenne commence[1]. » Utile peut-être tout à l’heure, pour détourner vers les bords de l’Yssel l’attention des Provinces-Unies, le tyran de Munster devient un appoint négligeable dans la grande lutte qui va s’ouvrir ; ses médiocres efforts « ne paraissent plus dignes d’être achetés[2]. » Aussi est-ce en pure perte qu’il s’épuise désormais en demandes de subsides ; les fonds accumulés dans les caisses du royaume sont réservés pour un meilleur emploi[3].

Novembre amène une bien autre surprise. Louis XIV, en effet, sur le conseil de Turenne et Louvois, prend inopinément une résolution grave : pour faire face à l’Empire en même temps qu’à l’Espagne, il se décide à concentrer ses forces, à faire évacuer la Hollande, du moins les places du Zuyderzée, du Leck et de l’Yssel. Les villes qu’occupent encore les troupes de l’évêque de Munster et de l’électeur de Cologne, les pays où ils tiennent quartiers, vont être, de ce fait, abandonnés aux attaques de l’ennemi, et les armées épiscopales n’auront d’autre parti que battre vivement en retraite. « Jamais princes ne furent plus étonnés que les deux prélats, » dit un écrit du temps ; et cet étonnement se traduit tantôt par des plaintes suppliantes, tantôt par des reproches amers[4]. Les lettres de Luxembourg, — chargé

  1. C. Rousset, Histoire de Louvois.
  2. Annales des Provinces-Unies.
  3. Mémoires de Pomponne.
  4. Voir la lettre du prince Guillaume de Fürstenberg du 7 novembre 1673. Arch. de la Guerre.