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rangs de l’année assiégeante. « M. l’évêque de Munster se trouve dans de dernier embarras, mande à Louvois le marquis de Renel[1], et en est réduit à implorer le secours du Roi. » Mais le Roi fait la sourde oreille, et Galen en garde une rancune dont on verra bientôt l’effet. Pour l’instant, il se venge sur ses confrères et ses alliés, l’électeur de Cologne et l’évêque de Strasbourg ; c’est à eux qu’il s’en prend de sa mauvaise fortune ; ce sont, à chaque conseil, des récriminations et des scènes violentes. « Votre Majesté, — écrit à Louis XIV le prince Guillaume de Fürstenberg, frère de M. de Strasbourg, — ne saurait jamais imaginer quelles peines, mortifications et déplaisirs nous éprouvons tous les jours ! »

La maladie et la disette font des ravages affreux parmi les Munstériens ; les désertions sont si fréquentes que l’infanterie est réduite des deux fiers[2] ; trente sentinelles, en une seule nuil, quittent leur poste et passent dans la ville. Les bombes elles-mêmes et les boulets commencent à faire défaut ; Galen est contraint, à la fin, de faire tirer avec des pierres, dont certaines « pèsent jusqu’à cent livres. » Dans sa colère de l’échec qu’il prévoit, il invective ses canonniers, prétend leur enseigner lui-même à charger leurs mortiers, qu’il fait bourrer jusqu’à la gueule, « avec double charge de poudre. » Les soldats tremblans obéissent, et les mortiers volent en éclats. Sur quatre-vingts, dit-on, il n’en resta pas cinq intacts.

Dans la nuit du 27 août, la canonnade s’arrêta brusquement. Les assiégés, surpris de ce silence et redoutant une attaque générale, se tinrent prudemment sur leurs gardes. Mais, au malin, « les plus bouillans » s’aventurèrent hors des remparts, et furent émerveillés de trouver les tranchées désertes, le camp abandonné et les Munstériens hors de vue. L’approche des troupes de M. de Brandebourg, passé décidément au parti de l’Empire, fut, dit-on, le motif de cette résolution soudaine. La retraite des prélats eut l’allure d’une déroute. Sur leurs 22 000 hommes, ils en ramenèrent à peine 12 000, dont 2 000 malades ou blessés, le reste démoralisé. « M. de Munster, écrit le marquis de Chamilly[3], ne s’est pas retiré avec 1 800 hommes de pied, quasi toute son infanterie ayant déserté, et celle de M. de Cologne

  1. Lettre du 21 août 1672. Arch. de la Guerre.
  2. Ibid.
  3. Lettre à Louvois du 1er septembre 1672. Arch. de la Guerre.