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et roturiers, vivent ensemble de la même vie, dans une fraternité joyeuse. « On ne voit plus partout que paix, union et charité[1]. » Chacun d’ailleurs s’emploie à la défense : « les femmes aident leurs maris et les enfans leurs pères ; » les ouvriers, les commerçans, prennent le mousquet à côté des soldats. Les Mennonites[2] eux-mêmes, — à qui leur croyance interdit l’usage des armes et l’emploi de la force, — trouvent moyen de s’utiliser « sans blesser leur conscience. » Répartis en brigades, mais « sans chefs et sans armes, » ils éteignent les bombes et luttent contre les incendies[3]. Après dix jours de canonnade, quand Galen, « ennuyé de ne voir personne sortir afin de traiter avec lui, » envoie sommer la ville par un de ses trompettes, les bourgmestres unanimement lui font porter cette belle réponse : « Très illustre prince et seigneur, pour réplique à la vôtre du 30 juillet de la présente année, contenant une sommation de remettre notre ville entre vos mains, nous vous dirons que, sur la confiance que nous avons en le secours divin, la justice de notre cause et la fidélité de nos alliés, nous avons résolu unanimement avec notre gouverneur de défendre notre ville contre ses ennemis jusqu’à la dernière extrémité, et de n’épargner pour ce sujet ni nos vies ni nos biens, étant, par la grâce de Dieu, abondamment pourvus de toutes les choses nécessaires pour cet effet. De Groningue, ce 1er août 1672[4]. » Cette fermeté simple et tranquille arrache au gouverneur un cri d’admiration : « J’ai assisté à bien des sièges, s’exclame le vieux soldat, mais je n’ai jamais vu une bourgeoisie si patiente et si brave ! »

La vigueur de l’attaque égalait celle de la défense. Galen « était partout, » passant chaque jour plusieurs heures aux tranchées, « donnant lui-même les ordres pour les pousser avec une plus grande diligence. » Il marchait sans escorte, environné seulement de « neuf ou dix personnes portant les mêmes babils que lui, » pour éveiller moins d’attention. C’est dans cet équipage qu’il visitait les postes avancés, et « malheur à l’officier ou au soldat qu’il trouvait en faute, car il ne pardonnait à personne ! » Sa cruauté farouche croissait avec sa déconvenue. Le

  1. La Vie et les Faits, etc.
  2. Secte anabaptiste fort nombreuse à Groningue, fondée par Menno Simonis (1496-1561).
  3. Annales des Provinces-Unies.
  4. Ibid.