Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/585

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

germanique, les irrésolutions de l’évêque de Strasbourg, et la méfiance cauteleuse de l’évêque de Munster : ce fut la première déception d’une alliance qui, du reste, en réservait bien d’autres. Les pourparlers eurent lieu à Bruhl, petite ville située à trois lieues de Cologne. En débarquant, le 31 décembre, le premier que Louvois y vit fut M. de Strasbourg. Il eut, le matin même, un entretien de trois heures avec lui, sans en tirer une parole un peu claire, excepté « qu’il ne savait pas où il prendrait le premier homme » des huit mille qu’il devait fournir, « ni le premier sol » des dépenses nécessaires pour faire cette levée. L’après-dînée, c’est au tour de Galen ; le succès n’est pas plus brillant : « Je fus quatre heures avec lui, écrit Louvois au Roi[1], sans pouvoir réussir à autre chose qu’à le faire convenir que nous parlerions affaires aujourd’hui. » Un point toutefois paraît acquis : c’est que M. de Munster, tout en se disant prêt à contracter une alliance offensive, « persiste à ne vouloir rien signer, et à exiger que l’on se contente de sa parole, » alléguant pour raison le serment solennel qu’il a fait devant son chapitre de ne conclure aucun traité avec un souverain étranger.

Le lendemain, seconde conférence : « M. de Munster, écrit Louvois, est arrivé sur le midi ; après (un dîner fort sobre et fort court pour le pays où nous sommes, je l’ai enfermé dans ma chambre,… et, pendant une conférence de cinq heures, nous avons mis par écrit tous les articles du traité offensif. Nous sommes convenus que demain soir, ou après-demain au plus tard, l’on signerait tout de part et d’autre. » Mais, au jour dit, nouvelle mésaventure ; impossible, au dernier moment, de « parachever l’affaire. » Les trois prélats, pour célébrer l’alliance, ont résolu de « faire la débauche ; » c’est une journée ‘entière de liesse et de festin, de « santés, » de larges rasades, au sortir de quoi les convives se sentent « hors d’état de rien faire. » M. de Cologne, cependant, « n’a guère accoutumé de boire ; » mais « M. de Strasbourg s’en acquitte pour deux[2], » et M. de Munster ne lui cède en rien sur ce point. Enfin, quarante-huit heures plus tard, dans la petite Avilie d’Ottendorff, Louvois obtient les signatures et s’en va, son traité en poche. Mais un seul nom, celui de l’électeur, figure au bas du document. Galen s’est seulement obligé « à signer, à la fin du mois, le même

  1. Lettre du ler janvier 1672. — Arch. de la Guerre.
  2. Lettres de Pellisson.