Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

circulent sur cette armée épiscopale : « On dit, écrit la même correspondante, qu’il a un régiment de prêtres bien montés et bien armés, qui ne font rien que d’attendre, lorsque l’ennemi est battu, l’occasion de piller et de prendre tout ce qu’ils peuvent attraper. »

Malgré leur flegme proverbial, ceux contre qui, dans la réalité, s’effectuaient ces préparatifs, les États de Hollande, ne purent faire autrement que de s’émouvoir à leur tour. Une première fois, en avril 1671, ils députèrent dans la ville de Munster un de leurs meilleurs diplomates, le sieur d’Amerong, chargé de s’enquérir des desseins de l’évêque et de le gagner au besoin par quelques concessions. Si pénétrant qu’il fût, l’envoyé des États eut affaire à plus fin que lui : Galen le « couvrit d’honnêtetés, » lui démontra clairement que, s’il levait des troupes, c’était pour faire comme ses voisins et se garer de leurs attaques, protestant au surplus qu’il n’avait nulle idée d’épouser la cause du roi de France ; qu’il avait « le cœur trop allemand » pour suivre un autre but que l’intérêt de la patrie commune ; et qu’il était prêt à conclure un traité d’alliance défensive avec les États Généraux. Enfin il s’y prit de telle sorte que le sieur d’Amerong, « ébloui » par ces assurances, fit tenir aux États « un rapport très avantageux, » où il se portait fort des bonnes intentions de l’évêque, qu’il dépeignait d’ailleurs comme « un homme de beaucoup d’esprit, affable, et dont la personne imposait dès la première conversation[1]. » Trois mois à peine après cette entrevue, le souverain de Munster signait avec la France un second traité clandestin[2], promettant sa neutralité dans la guerre que le Roi méditait contre la Hollande, moyennant un subside de « dix mille écus par mois. » Nous le verrons pourtant encore, pendant une année presque entière, donner le change à ses voisins candides sur ses résolutions réelles, entretenir habilement jusqu’à la dernière heure des illusions que devait suivre un désagréable réveil.

C’est vers la fin de l’an 1671 que Louis XIV, ses apprêts terminés, jugea l’instant venu d’arrêter un plan de campagne et de préciser les services qu’il attendait de ses futurs alliés. Louvois, dans les derniers jours de décembre, prit en secret la route de

  1. Lettres de M. d’Amerong des 7 et 14 avril 1671. — Annales des Provinces-Unies. — La Vie et les Faits, etc.
  2. Juillet 1671. — Mss. de l’Arsenal, 4893.