Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chapitre ; » on y trouve toujours table ouverte aux frais de l’évêché ; et c’est « entre deux vins » que, la plupart du temps, s’élaborent les plans de campagne[1]. Malgré les taxes, les impôts, les contributions incessantes arrachées par la violence aux États de la province, les revenus épiscopaux seraient loin de suffire à cette dépense énorme ; mais, par bonheur, la France est là, dont l’argent, comme un dot pressé, coule sans relâche à travers les caisses toujours vides ; et tout le pays de Munster, dit un contemporain, « hume l’odeur des trésors du Roi[2]. »

Galen, en ce labeur guerrier, s’est réservé une part spéciale et personnelle : tout ce qui touche à l’artillerie est de son domaine exclusif. Sa compétence en cette matière est universellement admise ; ses connaissances pyrotechniques éblouissent les gens de son temps ; et dans « l’art de lancer des fusées et des bombes » il ne connaît point de rival. Non content d’appliquer, il perfectionne, invente, porte « à son dernier point, » dit-on, la science de détruire ses semblables et de « réduire les villes en cendres[3]. » C’est de lui, déclare le marquis de Pomponne, qu’est venue l’invention des carcasses[4] qui se sont rendues depuis si célèbres… « Il est vrai de dire que, bien que les bombes fussent connues dès longtemps, le nom que les Espagnols leur avaient donné de spaventa vellacos, épouvantait des méchans, faisait voir qu’elles étaient de peu d’effet. Mais, au point que cet évêque les a portées, soit pour l’adresse à les jeter et à les faire tomber précisément où l’on veut, soit pour les nouvelles sortes de compositions qu’il a inventées, elles sont devenues le plus infaillible moyen de réduire les places. On oppose des bastions au canon ; mais l’on n’a pas trouvé de remède jusqu’à cette heure contre ce qui tombe du ciel ! » Aussi le plus clair de son temps se passait-il en expériences de ces procédés terrifians. Les champs, les terrains vagues qui bordent les murs de Munster retentissent sans cesse d’explosions, de détonations effroyables. Dans « l’ouragan de feu » déchaîné par ses mains, impassible au milieu du vacarme et de la fumée, Galen respire à l’aise, et se sent, comme il dit, « dans son véritable élément. » Et les populations

  1. C. Rousset, Histoire de Louvois.
  2. Annales des Provinces-Unies. — La Vie et les Faits mémorables, etc.
  3. Mémoires du marquis de Pomponne.
  4. On désignait de ce nom des projectiles incendiaires qu’on lançait avec un mortier.