Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/577

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les bons Hollandais, en effet, parurent d’abord émerveillés et reprirent subitement courage. L’effet fut différent sur les sujets de Von Galen. Voyant déjà leur contrée envahie, ravagée par l’armée française, les États de Munster, en d’humbles « remontrances, » conseillèrent à leur prince de renoncer à une lutte inégale, et de « faire la paix au plus vite. » Mais ils furent reçus de belle sorte ! « Votre conseil, — répondit à ses ouailles le terrible prélat, — part d’un excès de lâcheté. Vous êtes si timides que vous avez peur de votre ombre ! Mais, si c’est votre humeur, sachez que ce n’est pas la mienne, et que, quoi qu’il arrive, je ne veux point de paix qui soit à mon désavantage… » Tel est l’exorde du discours, et la péroraison n’est pas plus consolante : « En revanche de votre conseil, je vous en donne un autre, non moins salutaire. Si vous ne voulez pas voir les ennemis chez vous, soyez les premiers à dévaster votre propre pays ; n’y laissez rien qui soit utile à leur subsistance, et vous verrez que, s’ils y viennent, ils s’en retireront bien vite[1]. » Rabroués avec cette superbe, les délégués se gardèrent d’insister. « Chacun se tint désormais sur ses gardes, prêt à fuir lorsqu’il s’y verrait obligé. »

Mais ce que les bourgeois n’avaient pu obtenir, les reîtres de Galen ne tardèrent pas à l’imposer. Aventuriers et mercenaires, braves individuellement, mais habitués à guerroyer sans direction ni discipline, les soldats munstériens, bien que très supérieurs en nombre, ne tinrent pas un instant devant les régimens français. Au premier engagement, ils se dispersèrent en tous sens, comme une volée « d’oiseaux, pillards[2]. » Quelques centaines seulement, enfermés dans une forteresse, tirent un semblant de résistance ; et quand, la place rendue, ils défilèrent devant le marquis de Pradel, ils parurent en si pauvre état, si déguenillés, si misérables, que le général du Grand Roi se sentit « humilié d’avoir tiré l’épée contre de pareils adversaires[3]. » L’orgueil de Von Galen fut ébranlé par ces mésaventures ; son ton se radoucit, devint plus pacifique. Il semble bien que, dès ce temps, il ait conçu l’idée de quitter la partie et de faire un pas vers la France.

L’approche de la saison d’hiver et l’entrée en quartiers

  1. La Vie et les Faits, etc.
  2. C. Rousset, Histoire de Louvois.
  3. Ibid.