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maintien des droits qui leur venaient de leurs ancêtres, » et tinrent héroïquement parole.

Les relations du temps nous ont transmis tous les détails du siège[1] ; la férocité de Galen y éclate sous un jour atroce. A peine à portée des murailles, sans sommation et sans avertissement, il commande le bombardement. Une grêle de projectiles s’abat sur la cité paisible, causant d’affreux ravages, broyant des en fan s’et des femmes. La surprise de cette agression n’affaiblit pas la résistance. Galen ordonne alors de se servir de boulets rouges, et fait tirer de préférence « sur les cloîtres et les hôpitaux. » Partout s’allument des incendies ; près de deux cents maisons sont détruites en moins d’une semaine. Pour apitoyer le prélat, un vieux prêtre, au dire des chroniques, monte sur un des remparts, élève une hostie vers le ciel : sur l’ordre de l’évêque, les canonniers le prennent pour cible ; un boulet adroitement pointé lui fait voler la tête, à la grande horreur de la foule. Ces fureurs et ces sauvageries exaspèrent les bourgeois sans les intimider. Chacun s’empresse à la défense et prend sa part de peine et de danger. Artisans et « gens de commerce, » armés de piques et de mousquets, font des sorties parfois heureuses ; les femmes, les vieillards, les enfans, réparent les brèches des murs avec des sacs de terre, s’efforcent d’éteindre les bombes en les couvrant de « cuir mouillé ; » les prêtres et les moines font dans les rues des processions publiques. Sur tous les point élevés on dresse des étendards, portant en lettres colossales cette inscription vengeresse : « L’évêque Galen est un incendiaire ! »

Pendant des semaines et des mois se poursuivit cette destruction barbare. Fier de son passé militaire, Galen commandait seul el ne souffrait aucun conseil ; mais, chef de bande plutôt que général, l’art de la guerre se réduisait pour lui à foncer sur l’obstacle, sans stratégie et sans travaux d’approche. Mitrailler et brûler tout ce qu’on trouvait devant soi était, semble-t-il, à ses yeux le dernier mot de la tactique. Avec une telle méthode, la prolongation de la lutte dépendait uniquement de la constance des assiégés, des vivres et des munitions dont était approvisionnée la ville. Il se fit, le 1er septembre, une tentative d’accommodement. Le clergé et les « chevaliers » écrivirent à l’évêque une lettre digne et mesurée, représentant en des termes touchans le « mal

  1. Annales des Provinces-Unies. — La Vie et les Faits mémorables, etc. — De vitâ et rebus gestis, etc., etc.