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et un perfectionnement d’organismes mécaniques antérieurement employés.

Depuis que l’industrie existe, elle connaît le moulin à eau, celui que le débit d’un cours d’eau actionne par le poids de la nappe glissant sur les aubes d’une roue. Dans le cours des siècles, il s’est produit un perfectionnement considérable qui est parfaitement décrit dans l’Encyclopédie de d’Alembert et Diderot : c’est la turbine. Frappée par l’eau tombant d’une certaine hauteur et mise en mouvement, non seulement par le poids de l’eau, mais par la poussée de la chute, elle réalise la totalité de la force qu’elle reçoit.

Tout le principe de l’utilisation des hautes chu les se trouvait, au fond, dans ce mécanisme rudimentaire : utilisation, non seulement du poids de l’eau, mais de la force de la chute. Pourtant, on n’osait aborder la solution pratique du problème. Pourquoi ? Parce qu’on craignait de ne pas pouvoir construire des tuyaux ou des conduites assez résistantes pour précipiter les eaux des hauteurs en leur conservant leur force de chute ; parce qu’on craignait que l’appareil délicat des turbines ne fut comme foudroyé par de pareils coups. Il fallait, probablement, que les grands progrès de la métallurgie fussent accomplis, que l’habitude des fontes très résistantes fût entrée dans l’industrie courante ; il fallait l’assurance que l’habitude des grands mécanismes modernes donne à l’ingénieur pour que celui-ci abordât sans crainte le problème de l’utilisation des hautes chutes. M. Aristide Bergès était sorti de l’Ecole centrale. La métallurgie et la mécanique modernes lui étaient familières. Il put envisager le problème dans toute sa simplicité, et ce fut par la rencontre logique et, pour ainsi dire, naturelle, des données scientifiques et des données pratiques dans un cerveau bien organisé et heureusement imaginatif qu’il le résolut.

Il ne dégagea pas la solution satisfaisante du premier coup. L’histoire de son usine serait l’histoire de ses tâtonnemens et de ses continuels perfectionnemens. L’outillage qu’il employa, dès 1869, paraîtrait, aujourd’hui, bien rudimentaire. On voit encore, épars autour de l’usine, les grossiers tuyaux de fonte dont on se servit pour capter la première chute : ils ont un aspect barbare et antédiluvien. On croyait que les conduites ne résisteraient pas à la pression intérieure, à la pression de l’air extérieur, qu’elles crèveraient ou s’aplatiraient. Certes, on eut des