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presque plus rien qu’elle ne le lui souffle, pas même ses Discours pour l’Académie de Lyon. Au travers des lettres de 1781 ou 1783, il semblait qu’on le vît encore faire figure de mari, qu’il fût quelqu’un ou quelque chose, mais, tout doucement, il s’efface, et, dans les lettres de 1786 ou 1787, le tourtereau n’est plus en vérité que la boîte aux lettres de sa colombe ; une occasion pour elle d’épancher sa verve épistolaire ; et le destinataire légal de ses effusions.

Cela tient-il peut-être à ce que nous n’avons pas les lettres de Roland, ou du moins, — car je crois que nous les avons, — cela tient-il à ce que les éditeurs n’en ont donné que de maigres extraits, et en note ? Je le veux bien. Mais, pour en être sûr, on ne serait pas fâché de les connaître, et quand on les connaîtrait, je suis persuadé qu’on n’en verrait pas moins Marie Phlipon reparaître dans Mme de la Platière, et de celle-ci se dégager les premiers traits de Mme Roland. La transformation est facile à suivre dans les dernières lettres du présent volume. Le ton de supériorité que Marie Phlipon prenait souvent dans ses dernières lettres Aux demoiselles Cannet reparaît ici comme involontairement. Les préoccupations philosophiques, politiques même, y reprennent par suite l’importance qu’elles avaient un moment perdue. Et, d’ailleurs, pour conclure à cet égard, nous attendrons que le second volume de ces Lettres ait paru. C’est lui qui nous permettra de nous faire de Mme Roland une idée plus complète, et probablement plus exacte. Mais nous n’avons pu parcourir ces deux cent quatre-vingt-neuf lettres, en grande partie inédites, sans éprouver le besoin d’en parler. Elles nous ont révélé une Mme Roland que nous ne connaissions pas, ou bien peu. C’est de ce recueil que l’on peut dire, littéralement, qu’il « comble une lacune, » — une lacune de sept ans, — dans l’histoire d’un personnage essentiel de la Révolution. Et comme enfin, je ne sais pourquoi, je ne l’ai pas vu s’étaler chez beaucoup de libraires, j’ai pensé que quelques lecteurs de la Revue ne me sauraient pas mauvais gré de le leur avoir signalé.


P. B.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.