Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est en se conformant, autant que possible, aux principes que nous venons d’énumérer, que Renard et Krebs ont construit le dirigeable la France, le seul qui ait donné des résultats sérieux, puisque, à l’heure actuelle, c’est encore le seul qui ait pu décrire dans l’espace une courbe fermée, c’est-à-dire revenir à son point de départ.

Cet aérostat, gonflé à l’hydrogène pur, marchant le gros bout en avant, rappelait par sa forme les poissons à marche rapide que l’on a découverts dans les profondeurs pélagiques. Son tonnage était de 1 800 mètres cubes environ, sa longueur de 50 mètres. La nacelle, sorte de périssoire en bambou, avait une longueur de 33 mètres ; afin de présenter au vent le moins de résistance possible, elle était recouverte de soie fortement tendue sur les parois. Une housse de soie remplaçait le filet-porteur et, toujours pour diminuer les résistances à l’avancement, les suspentes reliant cette housse à la nacelle étaient disposées suivant deux plans à peu près parallèles à l’axe du dirigeable. Deux faisceaux de balancines qui, prenant naissance aux pointes du ballon, venaient s’attacher vers le milieu de la nacelle, assuraient la rigidité de tout le système.

Le moteur était constitué par une pile légère et une dynamo Gramme : sa puissance totale était de 8,5 chevaux et son poids de 630 kilogrammes, soit 75 kilogrammes par cheval environ. Placé au milieu de la nacelle, il actionnait, par l’intermédiaire d’un arbre d’une longueur totale de 15 mètres, creux afin d’être plus léger, une hélice, très légère aussi, de 7 mètres de diamètre, formée de deux palettes de bois évidées recouvertes de soie tendue. Cette hélice était disposée, non à l’arrière, comme dans les navires, mais à l’avant de la nacelle : la résistance à l’avancement est ainsi augmentée, mais, en revanche, la manœuvre du gouvernail, placé à l’arrière, est grandement facilitée. Ce gouvernail était formé par deux étoiles de soie, bien tendues sur un même cadre.

Du 9 août au 23 septembre 1884, sept voyages furent effectués avec ce dirigeable et, cinq fois, Renard et ses collaborateurs purent le ramener à son point de départ, la pelouse du parc de Chalais-Meudon, pelouse de trois cents mètres environ. Le dernier voyage, celui du 23 septembre, fut le plus remarquable : la vitesse propre de l’aérostat atteignit jusqu’à 6 m. 50 par seconde ; parti vent debout, l’aérostat arriva jusqu’à Paris, franchit