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la complicité voulue des Siamois qui poursuivent cette politique : augmenter par tous les moyens les intérêts britanniques au Siam en affaiblissant les nôtres par tous les moyens également. Tel est le programme, il tend à amener tôt ou tard l’Angleterre à intervenir en invoquant les intérêts nombreux qu’elle possède dans le pays. Pour faire abandonner aux Siamois celle ; politique, il convient de défendre énergiquement les avantages acquis en 1893.

Les Anglais remplissent donc l’administration royale de leurs nationaux. Les percepteurs des impôts indirects sont surveillés par deux inspecteurs anglais à 20 000 francs par an. Un contrôleur général des Finances, un Anglais, a été institué cette année, aux appointemens de 62 000 francs. Des commissaires adjoints britanniques vont doubler les gouverneurs indigènes de province, etc., Il n’est pas jusqu’à la police qui ne soit commandée par des chefs anglais et encadrée de Sikhs, anciens soldats indous.

Le Siamois pur n’existe guère, même à la cour et chez le roi ; les populations voisines se sont multipliées au Siam grâce à une colonie chinoise importante — fourmis industrieuses qui lui donnent la richesse et la vie. Les Chinois s’expatrient sans femmes et se marient toujours dans le pays où ils s’établissent. Les rôles d’inscription des corvéables permettent de se rendre compte de la faiblesse de l’élément purement siamois comparé à celui fourni par les races voisines. La population du Siam est évaluée à 6 000 000 d’habitans se décomposant ainsi : 500 000 Cambodgiens illégalement incorporés au Siam depuis 1835 ; 1 000 000 de Laotiens, Khas, Shans, etc. ; 1 000 000 de Malais ; 1 200 000 Chinois, et 2 000 000 de Siamois seulement. Il existe aussi une colonie importante de « Mônes » originaires du Pégou. Elle a été autorisée à s’établir dans le pays par les rois de Siam au début de ce siècle ; ce ne sont donc point des prisonniers de guerre. Les « Mônes » appelés aussi « Thavai, » nom tiré de Tavoy, leur pays d’origine, peuvent être évalués à 300 000. Ils peuvent même fournir, le cas échéant, une arme excellente à nos diplomates, car les Anglais essaient d’inscrire les Shans comme leurs protégés, quoique les conditions ne soient pas les mêmes pour leurs sujets que pour les nôtres, puisqu’ils sont venus s’établir de leur plein gré dans le pays. Nos Annamites, Cambodgiens, Laotiens ont été l’objet de nombreuses rafles et enlevés comme prisonniers