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quatre-vingts ans pour qu’un tronc devienne adulte et soit bon à abattre. Après cet âge, il continue à grossir pendant un certain nombre d’années, puis il meurt et se dessèche sur pied sans pourrir. Il offre alors l’avantage de pouvoir être abattu et mis en flottage sans longues préparations, de sont les Lus et les Khas Mous du Luang Praban et du Nam Hou qui se livrent à cette exploitation assez compliquée et dressent les éléphans pour le transport des bois. On loue des bûcherons pour trois ou quatre ans, à raison de 80 francs par an. Ils doivent choisir les plus beaux arbres des forêts et pratiquer sur les troncs, à 1m, 50 ou 1m, 80 au-dessus du sol une incision circulaire de 5 à 6 centimètres de profondeur, pour saigner et dessécher le teck. L’arbre vert ne flotterait pas, et sa sève résineuse ferait éclater les fibres. Un an après, une seconde opération consiste en un ébranchage sommaire et un écorçage du tronc sur une hauteur de 3 à 4 mètres au-dessus de l’entaille déjà faite. Au bout de deux ans, l’arbre est abattu, ébranché et dépouillé de son aubier. Il doit rester sur chantier six mois ou un an et, en entier ou par fractions, les éléphans le traînent jusqu’aux cours d’eau. Si la crue est alors insuffisante, c’est un an ou deux de perdus.

Tout est intéressant et amusant pour moi. (Iliaque détail est un tableau dans un joli cadre. Les enfans tout jeunes circulent dans les canots-périssoires ; le mandarin navigue assis sous son parasol de papier huilé. Il y a tout un art pour bien placer les parasols, et souvent un piroguier rame à son aise, bien abri té sous un parasol incliné. Ailleurs, un homme bronze-pâle, nu comme Hassan, pagaie dans une écorce d’arbre. Plus loin, quatre bonzillons, dont les beaux vêtemens jaunes miroitent dans le soleil, rament avec ardeur. Dans quelques cases, on prépare la chaux rouge que les indigènes mâchent avec le bétel et la noix d’arec. Cette préparation réussit à merveille à déchausser les dents et à manger les gencives. La chaux est faite, me dit-on, avec des coquilles calcinées et pilées. On cultive ici le bétel en champs, tandis qu’au Laos, je le verrai grimper le long des arbres.

Souvent la confortable barcelonnette des enfans, une boîte en filet maintenu par un léger cadre, se balance suspendue aux boiseries du toit ; l’enfant y est bercé, aéré et garanti des moustiques. On ne s’accoutume pas aux moustiques : les indigènes s’en défendent eux-mêmes, la moustiquaire est usitée et l’on sème de légers plâtres mouillés sur la figure des enfans et des