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en terre qui servent à rafraîchir l’eau. Il faut pourtant prendre garde avant de les acheter au hazar, car les Siamois les utilisent souvent sous les cadavres en décomposition ; et puis, sans se gêner, ils les remettent en vente. Défiez-vous aussi de quelques fruits tels que la banane verte très odorante, la goyave au parfum pénétrant, car ils peuvent bien avoir été employés déjà, en pareille occurrence, comme désinfectans.

N’oublions pas les boutiques des herboristes : on y vend des simples et une multitude d’objets bizarres et hétéroclites qui composent la médication indigène ; des peaux d’éléphans, qui, une fois bouillies, constituent, dit-on, un mets délectable ; des peaux d’hippopotames, excellentes contre la variole et les affections cutanées ; des nids d’hirondelles, souverains dans les maladies inflammatoires. Tout en causant, je continue d’examiner l’étrange collection de l’officine : squelettes de singes, mufles de tigres, serpens grillés (on les grille tout vivans), colonnes vertébrales de cobra, peaux de reptiles, bois de mille sortes aux vertus particulières, bois de teinture pour le beau jaune des robes de bonzes, crânes d’oies sauvages, recommandés contre la fièvre, têtes de tortues, foies de singes, gomme-gutte creuse à l’intérieur, à la coupure jaune orange, tendons de cerfs grillés, qui ont leur place dans la cuisine chinoise, viscères de singes, cornes de cerfs, aux vertus pharmaceutiques, qui se vendent au poids de l’or ainsi que le bois d’aigle, très odorant, qui lui-même se trouve dans un autre arbre.

Plus loin, ce sont les bijoutiers et orfèvres avec tous leurs objets d’argent finement travailés ; puis les Monts-de-Piété, toujours pourvus en Orient, et au nombre d’environ 1200 à Bangkok, la plupart tenus par des Chinois. On y trouve de tout, jusqu’à des produits d’Europe, parfois rares et introuvables ailleurs, et des merveilles volées dans les palais et les pagodes. On m’a conté qu’à Canton, il y a, entre onze heures et minuit, à certains jours, un marché des objets volés tenu par les voleurs eux-mêmes. Les étrangers y voient une ressource pour racheter leur bien. Au Siam,et à Bangkok en particulier, les maisons de prêts sur gage constituent autant de maisons de recel. C’est là qu’on va perquisitionner lorsque le boy ou les coolies disparaissent après avoir fait leur main.

Ailleurs, nous admirons les graveurs, les faiseurs de sceaux, ces beaux cachets de jade couverts de caractères et de dessins