de jonc, steamers siamois, chinois, anglais, allemands… et le seul Donaï pour représenter notre marine.
La Venise de l’Extrême-Orient compte 400 000 habitans. Ses radeaux, et ses maisons flottantes cachent les berges et s’étendent sur plus de six kilomètres. Ils forment des rues sur les multiples affluens du Ménam, sur les klongs (canaux) qui sillonnent la ville dans tous les sens. Les cases s’emmêlent si bien aux massifs de feuillage qu’on ne sait où commence la terre ferme. Au-dessus des eaux, des navires, des arbres, des pittoresques demeures de la cité fluviale, presque toutes sculptées et ornées de peintures, se dressent les multiples pyramides ouvragées, les phnoms des pagodes royales, tous revêtus de faïence et brillant comme l’or aux rayons du soleil.
La petite colonie française, composée d’une dizaine de personnes, me fait le plus aimable accueil. J’ai laissé à Saïgon le distingué ministre de France et sa femme, M. et Mme Defrance, et c’est M. Hardouin, consul, M. Lefèvre-Méaulle, vice-consul, et Mme Lefèvre-Méaulle qui veulent bien me faire les honneurs de la légation. M. Hardouin, notre représentant consulaire au Siam, où il habite depuis quatorze ans, est le Français qui connaît le mieux et la langue siamoise et les questions du Siam. Il a été, de l’aveu de tous, l’homme de la situation, il a rendu de grands services, et il est permis de regretter que cet homme éminent n’ait pu continuer à servir nos intérêts dans ce pays.
La légation est située sur le bord du Ménam et son jardin s’étend le long de la berge du fleuve. La chancellerie est au rez-de-chaussée et, sous les colonnades voûtées, se presse chaque jour une foule de cliens : Annamites, Laotiens, Cambodgiens venant solliciter la qualité de protégé français en vertu des accords de 1893.
On ne circulait naguère qu’en bateau dans la Venise du Siam, mais, depuis une vingtaine d’années, on a commencé à ouvrir des rues le long du fleuve et dans son voisinage. Des maisons s’élèvent nombreuses dans le quartier où vivent plus particulièrement les Européens, et toute la ville est éclairée à la lumière électrique. La même influence européenne se fait sentir sur la grande place qui précède le palais royal et le sépare des casernes modernes ; elle a pris depuis quelques années un aspect plus agréable : les monceaux d’ordures qui l’encombraient ont été repoussés un peu plus loin ; et, sur les grandes pelouses quadrangulaires, viennent paître les chevaux du roi.