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UNE VISITE À BANGKOK

Trois jours après son départ de Saïgon, le Donaï, vaillant petit steamer de la flottille des Messageries Fluviales, arrive devant Pak-Nam[1], à la barre d’entrée du Ménam. La marée est favorable et nous sommes bercés par le flot qui remonte lentement. Déjà, au soleil du matin, se reflète sur l’eau une pagode toute brillante sous l’émail blanc de ses murs. Au sommet flotte l’étendard rouge, timbré de léléphant blanc, de Sa Majesté Chulalongkorn, roi de Siam. Les rives du Ménam sont charmantes avec leurs villages flottans, portés sur des radeaux primitifs, mais très ingénieusement construits. De jolies cases à compartimens, dans lesquelles pénètre le regard, s’élèvent sur des bambous entre-croisés d’une hauteur de 0m,80. Le radeau, de forme quadrangulaire, est maintenu par de larges anneaux qui montent et descendent avec le flot et l’amarrent aux quatre angles, à de solides poteaux de bois plantés dans le lit du fleuve. La rivière est sinueuse, les aspects en sont très variés. Tout le pays est gai et vivant, parsemé d’oriflammes qui flottent autour des nombreuses pagodes, aux toits pittoresquement relevés à la manière chinoise. Les grandes cheminées des usines à décortiquer le riz s’élèvent au fond du tableau.

À neuf heures du matin, Bangkok, maintes fois entrevu, apparaît enfin couché dans la verdure, au bord de sa large rivière, dans le fourmillement de ses milliers de bateaux : jonques annamites, larges sampangs chinois, lorchas portugaises, goélettes de la presqu’île de Malacca, bateaux chinois aux grandes voiles

  1. Pak signifie embouchure et Nam rivière.