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lui-même initié, ce serment de ne jamais révéler le but et le secret de la Franc-Maçonnerie, comme si ce but et ce secret continuaient à constituer une menace contre l’Etat et contre l’ordre social. Tous ces souvenirs, inutiles pour la mission philanthropique à laquelle l’Association annonce l’intention de se vouer exclusivement désormais, ne suffisent pas sans doute pour faire présumer qu’elle ait encore aujourd’hui des tendances et des doctrines contraires aux institutions établies ; mais ils lui rendent possible le retour, dans un moment donné, à son ancien esprit : son organisation serait, au besoin, un cadre tout prêt pour une société secrète.

« Une circonstance récente a prouvé combien il est difficile à une association ainsi organisée de se tenir entièrement à l’écart des passions politiques, et le gouvernement a été conduit à décider, dans l’intérêt de la Franc-Maçonnerie elle-même comme dans celui de la paix publique, que le Grand Maître ne serait plus électif, mais qu’il serait nommé directement par l’Empereur.

<c Si la mesure que l’on propose aujourd’hui était le complément de celle qui a été prise l’an passé ; si elle devait avoir pour résultat, comme paraissent le craindre un certain nombre de francs-maçons, de fortifier l’autorité du gouvernement sur l’Association, toute objection, du moins à ce point de vue, devrait disparaître.

« Mais quelles garanties nouvelles la reconnaissance du Grand Orient donnerait-elle au gouvernement sur la Franc-Maçonnerie ? Les rites dissidens continueraient à subsister à côté du rite reconnu, avec tout le prestige de leur indépendance. Le rite reconnu deviendrait une institution régulière du pays, prendrait une importance officielle qui pourrait le rendre plus gênant, si jamais il devenait hostile. Mais en quoi serait-il plus soumis à l’action, au contrôle du gouvernement du moment qu’il garderait cette organisation voilée, hiérarchisée, à cloisons étanches, qui a précisément pour but de le soustraire à tout contrôle réel, à toute action autre que celle de ses chefs secrets ?

« Cependant, cette mesure qui n’ajouterait rien de réel à l’autorité du gouvernement sur l’Association, se présenterait aux yeux de tous avec l’apparence et sous la forme d’un patronage officiel. À ce nouveau point de vue, il est permis de se demander si elle produirait sur l’opinion publique une impression favorable. Le public ne sera-t-il pas enclin à juger la Franc-Maçonnerie,