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été saisi en 1863 et les incidens auxquels elle a donné lieu au sein de cette assemblée.

En 1861, la Franc-Maçonnerie avait traversé une crise. Le prince Murat, qui en avait été élu Grand Maître sept ans auparavant, arrivait au terme de son mandat. Il venait de voter au Sénat pour le maintien du pouvoir temporel du Pape, et ce vote avait irrité contre lui un certain nombre de Francs-Maçons. Les mécontens cherchèrent à lui opposer un concurrent. Afin de rester dans les traditions de la Franc-Maçonnerie, qui, pour prouver quelle n était pas un danger politique et pour donner au pouvoir l’illusion d’une garantie, choisissait volontiers comme porte-drapeau un membre de la famille régnante, ils s’adressèrent au Prince Napoléon, qui, lui, avait voté contre le pouvoir temporel. Le Prince commença par refuser ; puis, il consentit à se laisser porter contre son cousin. L’élection devait avoir lieu pendant la session annuelle de l’Assemblée législative maçonnique, rue Cadet. Dès la première séance, des incidens fâcheux, des violences même, dit-on, éclatèrent entre les partisans des deux princes rivaux. Le Préfet de Police, averti, ajourna d’autorité l’élection. Plus tard, l’Empereur intervint à son tour, et, afin de faire cesser l’antagonisme entre ses deux parens, il s’attribua, par un décret du 11 janvier 1862[1], le droit de nommer le Grand Maître, qui, jusque-là, avait été électif. Il désigna le maréchal Magnan. Celui-ci, dit-on, n’était même pas Franc-Maçon ! Le bruit courut alors qu’on avait dû lui conférer en un seul jour les trente-trois grades, les trente-trois degrés d’initiation nécessaires pour lui permettre de figurer parmi les trente-trois membres du Conseil, et pour devenir le chef de l’Ordre maçonnique. Le Maréchal trouvait la Maçonnerie dans une situation financière embarrassée. Elle avait acheté, rue Cadet, au prix de 1 500 000 francs, un immeuble destiné à lui servir de lieu de

  1. Napoléon, etc. Sur la proposition de notre ministre secrétaire d’État au département de l’Intérieur ; Vu les art. 291 et 294 du Code Pénal, la loi du 10 avril 1834 et le Décret du 20 mars 1852 ; Considérant les vœux manifestés par l’Ordre Maçonnique de France de conserver une représentation centrale, avons décrété :

    Art 1°. — Le Grand Maître de l’Ordre maçonnique de France, jusqu’ici élu pour trois ans, en vertu des Statuts de l’Ordre, est nommé directement par nous, pour cette même période.

    Art. 2. — S. Exc. M. le maréchal Magnan est nonmmé Grand Maître du Grand Orient de France.

    Art. 3. — Notre Ministre de l’Intérieur (M. de Persigny) est chargé, etc. (Déc. du 11 janvier 1802 : Duvergier, 1862, p. 10.)