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avait pu se croire à la veille d’une révolution, est rentrée dans le calme avec autant de rapidité qu’elle en était sortie.

Il y a eu quelques jours d’incertitude au sujet des conséquences ministérielles de l’alerte si vive qu’on venait de traverser. Le ministère Azcarraga donnerait-il ou ne donnerait-il pas sa démission ? A la veille des émeutes, la question paraissait résolue : tout le monde semblait d’accord pour dire que le ministère disparaîtrait le lendemain du mariage de la princesse des Asturies. Personne ne voulait prendre sa place avant le mariage ; en revanche, on devait trouver facilement preneur aussitôt après. Le mariage de la jeune princesse était devenu la raison de subsister du cabinet. Toutefois, le lendemain de l’événement, l’obligation de se démettre qu’on lui imposait par avance a paru moins claire, et, pendant plusieurs jours, la question de savoir s’il se retirerait ou non est restée en suspens. Enfin elle a été résolue affirmativement : le général Azcarraga a remis à la reine Christine sa démission et celle de ses collègues. Mais peut-être sera-t-il chargé de former un nouveau cabinet… à moins que le mandat n’en soit confié à M. Silvela. Dans toutes les hypothèses, le pouvoir continuerait d’appartenir aux conservateurs : on estime sans doute que l’occasion serait mal choisie pour le leur reprendre au moment où ils viennent de tirer le pays d’une crise qui aurait pu devenir très grave. On ne saurait nier, en effet, que, si l’armée a fait preuve d’énergie, le gouvernement a montré de l’à-propos : il a compris que l’agitation manquait de causes sérieuses, et qu’il serait dès lors facile de la dissiper avec un peu de résolution et de fermeté. Il y avait là plus de mauvaise humeur et d’irritation que de passion et de violence réelles. Nous voudrions être sûrs qu’il en est de même dans nos grèves françaises, et malheureusement nous ne le sommes pas.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.