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en attendant, la situation s’obscurcit et s’aggrave. Nous sommes en plein inconnu, en effet, nul ne peut prévoir ce qui se passera dans vingt-quatre heures. Et lorsqu’on songe aux origines de cette grève, si petites, si insignifiantes, désavouées par tous, on est surpris et encore plus inquiet de voir à quelles conséquences elles ont conduit en peu de jours. Rien n’a pu arrêter un mouvement d’autant plus redoutable qu’on ne sait même pas d’où il vient : on ne peut en mesurer la force que d’après les obstacles qu’on lui a opposés et qu’il a franchis sans la moindre difficulté. Des revendications de Saint-Etienne, toutes ne prévaudront pas, mais il en restera quelque chose : il est toujours resté quelque chose des tentatives du même genre faites par le parti socialiste et si mollement repoussées par le parti libéral. C’est pour cela que nous avons raconté, jusqu’à ce jour, l’histoire de ces dernières grèves : elle nous a paru instructive, et la leçon en est si claire qu’il faudrait plaindre ceux qui ne la comprendraient pas.


Nous n’avons pas parlé depuis quelque temps de l’Espagne. Il s’y est pourtant passé des événemens très dignes d’attention ; mais ces événemens n’avaient pas une portée générale, ils n’intéressaient que l’Espagne elle-même, et nos préoccupations devaient se porter de préférence du côté de l’Angleterre, de l’Allemagne ou de l’Italie. Toutefois, dans ces dernières semaines, l’agitation espagnole a pris un caractère nouveau, et que nous pourrions croire avoir été très dangereux s’il n’avait pas suffi de quelques jours d’énergie pour ramener le calme, sinon tout à fait dans les esprits, au moins dans la rue. La rue, en effet, avait été troublée à Madrid et dans plusieurs grandes villes, notamment à Valence, à Santander, à Saragosse et à Séville, c’est-à-dire, comme on le voit, sur des points du territoire assez éloignés les uns des autres. Si le mal n’a pas eu beaucoup de profondeur, il n’a pas du moins manqué d’étendue. Quelle en a été la cause ? Il faudrait plutôt dire les causes, car elles sont multiples et complexes ; mais toutes se rattachent au mécontentement produit dans certaines classes de la société par l’esprit clérical dont on accuse, à tort ou à raison, le gouvernement actuel d’être animé. Les conservateurs sont au pouvoir depuis longtemps, et, bien que les libéraux ne soient guère en mesure de l’exercer, ils éprouvent quelque impatience de le faire. Les occasions de critiquer le gouvernement ne leur manquent d’ailleurs pas ; mais feraient-ils mieux à sa place ?

Le mariage de la princesse des Asturies a donné un prétexte commun, et comme un centre de ralliement à tous les mécontens. La