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au-dessus du sol de la colline, la colline elle-même n’ayant qu’environ 120 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la plaine. Elle a été démolie en 1794. Mais, telles qu’elles subsistent, les tours de la cathédrale se voient encore, dit-on, de Cassel en Flandre, à cinquante lieues de Laon. Voilà de quoi la ville se sentait fière à travers les âges, et de quoi, à demi éteinte dans l’activité universelle, elle se sent encore fière aujourd’hui, debout et vigilante sur son hautain rempart de grès.


Quand la Constituante se décida à briser les vieilles traditions provinciales et à découper la France en circonscriptions administratives, on fit, avec des rognures de la Picardie, de la Thiérache, de la Champagne et de l’Ile-de-France, un département de forme bizarre et d’amalgame particulièrement composite. On lui donna le nom de la plus belle des rivières qui le traverse, l’Aisne, et on rendit à Laon, vieille ville de l’Ile-de-France, la primauté qu’elle avait jadis exercée sur la région. Laon fut ainsi érigée en chef-lieu, arrachant le sceptre administratif à une autre vieille ville, Soissons, et reléguant au second plan la grande cité des Picards et des Vermandois, l’Augusta Veromanduorum, Saint-Quentin.

A Laon, le passage de la vie ancienne à la vie nouvelle se produisit sans secousse. Les habitudes générales d’une population tranquille depuis des siècles se trouvèrent à peine dérangées. Ses traditions et son histoire particulière s’étaient, peu à peu, fondues dans celles du royaume. Il y avait bien longtemps que les derniers Carlovingiens avaient vécu et régné dans ses murs ; il y avait bien longtemps que ses puissans barons féodaux, les Enguerrand de Coucy et les Thomas de Marie, rivaux des premiers Capétiens, avaient été abattus par les rois de Paris ; il y avait bien longtemps même que les bourgeois de Laon, insurgés contre leur évêque, avaient forcé Louis le Gros à descendre la colline plus vite qu’il ne l’avait montée, et proclamé la commune. Eux-mêmes, après deux siècles d’une liberté orageuse, avaient supplié le roi de Paris de venir mettre la paix chez eux en abolissant ces franchises communales proclamées avec tant d’enthousiasme.

Domestiquée ainsi volontairement par le retour vers l’autorité qui suit les périodes de liberté sans règle, Laon était entrée, depuis le XIVe siècle, dans l’orbe de la domination immédiate