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l’argent, à elle et à ses associés. Le 21 février, elle avoue qu’elle n’a plus le son : « Je comptais sur l’argent de l’Angleterre, que Louis (Fauche-Borel) devait m’avoir accaparé. Il faut le voir et lui parler pour savoir à quoi s’en tenir. J’en suis bien impatiente. » Le 24 février, elle constate que Demougé est au désespoir du retard de l’arrivée de Fauche-Borel. « Les quatre mille livres qu’il devait acquitter à Bâle à jour fixe ne l’ont pas été et, moyennant cela, il a été obligé de faire le remboursement et se trouve sans moyens dans un moment où Pichegru pense qu’il serait urgent d’avoir une somme à sa disposition. » Le 26 février, son impatience n’est pas calmée : « J’attends Louis chez moi ce soir avec deux mille louis que je suis chargée de faire passer à Demougé pour Pichegru, et ceci n’est qu’un acompte des cinq cent mille francs qu’on destine à la grande œuvre. » Elle est pleine d’inquiétude « pour ce transport qu’un batelier peut s’approprier en se donnant l’air de l’avoir jeté dans le Rhin. » Dans la même lettre, elle invite Klinglin à augmenter le traitement de Demougé pour le rendre égal à celui de Wittersbarh. Le 27 février, elle n’a encore rien reçu. Mais la perspective de voir arriver cinquante mille francs donne du cœur à tout le monde. « Il me semble que la machine se monte bien. » Le 5 mars, attendant toujours, elle reçoit de Klinglin le montant de ses dépenses d’espionnage. « En ce moment, m’arrive votre argent. Je commencerai par faire la part de Demougé pour le mois dernier. Adoptez-vous ce que je vous ai marqué pour l’augmentation de son traitement et le porterez-vous à l’instar de celui de Wittersbach ? »

Nous pourrions multiplier indéfiniment ces citations ; mais en faut-il davantage pour prouver que toutes les questions d’argent ont été agitées en dehors de Pichegru, par-dessus sa tête, et pour avoir les plus fortes raisons de supposer qu’il n’a rien reçu des sommes qu’on prétend lui avoir versées ?

Où saisit-on dans sa conduite l’influence de l’argent ? S’il s’est vendu, comme on l’en accuse, s’il a été payé, qu’a-t-il livré en retour ? Pas plus après l’armistice qu’avant, on m ; le voit travailler au profit des Bourbons et des Autrichiens. Ceux-ci, notamment, ont toujours refusé de seconder les projets de Condé, soit qu’ils les aient trouvés trop plein de périls pour eux, soit qu’ils n’aient pas ajouté foi à ce qu’on leur disait des dispositions de Pichegru. Wurmser, plus crédule que sa cour, était prêt à