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parvient pas plus promptement que Pichegru à assurer le bien-être de ses troupes. Au mois de mai 1796 seulement, le 7 mai, il annonce au Directoire qu’elles sont toutes délinitivement cantonnées chez les habitans et commencent à moins souffrir. Au même moment, Moreau, qui a pris le commandement devenu vacant par la démission de Pichegru, adresse à Paris une déclaration pareille, encore que Desaix, qui a fait l’intérim, ait été obligé de formuler les mêmes réclamations et les mêmes plaintes que son prédécesseur. Moreau peut en outre constater que l’armée n’a pas péri de faim et de misère. Elle est en état de reprendre la campagne. Réduisons donc à ce qu’elle vaut l’accusation de Gouvion-Saint-Cyr alors qu’elle est catégoriquement démentie par les faits et par cette formelle déclaration de Barras, qu’au moment où Pichegru allait donner sa démission, le Directoire ne croyait pas plus avoir à se défier de lui que de Jourdan. Les soupçons ne sont nés qu’après la dénonciation de Montgaillard, en 1797. C’est cette déclaration qui les a engendrés. Jusque-là, on n’a pas accusé Pichegru ; on n’a pas mis en doute sa fidélité au devoir. On ne pouvait la mettre en doute, puisque sa conduite militaire en témoignait.

Ce qui est vrai, c’est que des dissentimens s’étaient élevés entre le Directoire et lui, comme entre le Directoire et Jourdan. Le nouveau gouvernement en voulait aux généraux de la perle des lignes de Mayence, de la reddition de Mannheim, et surtout de la conclusion de l’armistice. Il imputait les revers à leur faiblesse, et à leur imprévoyance la suspension d’armes acceptée au lendemain d’une victoire de Marceau, quand, de nouveau, la fortune semblait nous sourire. Il avait contre Pichegru un autre grief. Il l’avait mandé à Paris, le 3 novembre, pour conférer avec lui. Mais Pichegru, empêché de quitter le théâtre de la guerre, s’était contenté d’envoyer à sa place un de ses lieutenans, le général Abbatucci. Par l’intermédiaire de cet envoyé, il y avait eu échange de propos aigres-doux. Pichegru le confiait à Marceau, le 14 décembre : « Je vais te parler d’autre chose, de ma destitution, par exemple ; Tu l’as vue sans doute dans les journaux, qui ont dit, un instant après, que c’était faux. Eh bien ! pas du tout ; je ne l’ai pas encore, mais je suis prévenu qu’elle ne peut me manquer. Peut-être seulement y mettra-t-on des formes dont je les dispenserais volontiers pour plus de célérité. J’ai dit à quelques membres du Directoire des vérités qui n’étaient pas