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supériorité de ses forces. Je suis depuis huit jours dans l’incertitude de les mouvemens et par conséquent dans de cruelles inquiétudes. J’ai jeté sur la Nahe un parti de cent chevaux, commandé par un officier intelligent, à l’effet d’éclairer les mouvemens de l’ennemi et de communiquer avec toi, ce qui eût été prompt et facile, si tu en eusses fait autant de ton côté. Ce parti a trouvé les six derniers bataillons que tu as envoyés vers Mayence, lesquels, étant arrivés sur Bingen le lendemain de la retraite des lignes, ont remonté la Nahe et sont venus sur Kirn où je leur ai adressé l’ordre d’appuyer sur la gauche de cette armée-ci aux points de Wolfstein et de Rockenhausen pour couvrir les gorges de Kayserlautern. Si tu n’as pas fait encore ton mouvement sur la Nahe, je crains bien qu’il ne soit trop tard, car, depuis quelques jours, l’ennemi nous montre ici beaucoup de forces et pousse des reconnaissances jusque sur nous, ce qui annonce, de sa part, l’intention de nous attaquer. Si cela, arrive, je dois m’attendre à être battu ; je suis peu en état de résister, ayant été beaucoup affaibli en troupes, en artillerie et en munitions par la retraite qu’une division a faite dans le plus grand désordre, et la pénurie de chevaux n’ayant pas permis de sauver ces différens objets, on a été obligé d’en faire sauter une assez grande quantité.

« Les troupes sont d’ailleurs dans un état pitoyable, sans chaussures, sans capotes, sans baraques, et livrées depuis huit jours aux injures du temps et aux intempéries de la saison. Je te demande si l’on peut beaucoup compter sur elles. La nécessité de couvrir Mannheim me détermine seule à rester sur la position de la Pfrimm qui naturellement n’est point bonne et pour laquelle je n’ai pas assez de troupes. J’y tiendrai tant qu’il sera possible ou tant que le gouvernement ne me donnera pas des ordres contraires. Si je suis forcé de me retirer, j’appuierai ma gauche sur Kayserlautern et ma droite à la Spirebach, et si je suis encore chassé de là, j’irai dans les lignes de la Quiech ; il est de toute impossibilité qu’avec le peu de troupes que j’ai, je m’étende jusqu’à la Sarre. En conséquence, tu devras au besoin couvrir cette rivière et les places qui en dépendent.

« Je continuerai à jeter, un parti de cavalerie à notre gauche entre la Nahe et la Glau. Tâche d’en avoir un de ton côté vers Kirn ou Oberstein ; cela facilitera beaucoup notre correspondance… Je reçois au moment du général Saint-Cyr, commandant la gauche de cette armée-ci, copie d’une lettre du général