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Quant à Pichegru, il ne commandait plus qu’à une armée dispersée. Il occupait avec trois divisions la place de Mannheim où il avait installé son quartier général. Quatre autres étaient postées entre Strasbourg et Huningue ; quatre campaient devant Mayence, préposées à la garde des redoutes élevées sur la rive gauche pour bloquer la place de ce côté. Ces redoutes ne comptaient pas moins de cent cinquante pièces d’artillerie. C’est en vertu des plans envoyés de Paris par le Comité de Salut public que les choses avaient été disposées ainsi et par sa volonté formelle qu’une partie de l’armée se trouvait paralysée devant Mayence dont le siège, sans utilité immédiate, s’annonçait comme une opération longue et difficile.

A l’improviste, Pichegru recevait, le 17 octobre, une lettre de Jourdan lui annonçant que, « faute de subsistances et de chevaux, » le général en chef de l’armée de Sambre-et-Meuse s’était déterminé à repasser sur la rive gauche du Rhin, dans la crainte de compromettre, en restant sur la rive droite, les troupes qu’il commandait. Clairfayt, par une manœuvre audacieuse et habile, l’avait contraint à la retraite. Cette retraite avait bientôt dégénéré en une fuite désordonnée, aggravée par l’hostilité des paysans, qui s’étaient joints aux Autrichiens pour la rendre plus meurtrière.

Pichegru ne se méprit pas quant aux conséquences de l’événement. En le faisant connaître au représentant Rivaud, il lui disait : « Ce fâcheux contretemps, nous ôtant tout espoir de former de nouveau le blocus de Mayence avant la fin de la campagne, nous met dans l’alternative d’abandonner nos lignes de contrevallation pour prendre en arrière une ligne plus tranquille et plus commode, ou de perdre encore plusieurs milliers d’hommes pour les garder, ce qui deviendrait d’autant plus pénible qu’il ne reste plus de bois à cinq lieues à la ronde. » Ainsi, tout le profil de la brillante journée du 7 septembre était perdu. C’est en pure perte que, ce jour-là, Jourdan avait franchi le Rhin. Son retour en arrière semblait inconcevable à Rivaud, « aussi inconcevable que d’avoir passé sur la rive droite sans avoir tiré de la rive gauche tout ce qui était nécessaire pour se maintenir. »

Le lendemain, à quatre heures du matin, Pichegru était attaqué à son tour, sous les murs de Mannheim. A midi, l’attaque durait encore : « Elle a été très meurtrière toute la